Le tribunal entame l'audition du des cinq mis en cause dans le cadre du contrat d'étude et de réfection du siège de Ghermoul, confié au bureau d'étude privé CAD. Le premier à être appelé à la barre est Abdelwahab Abdelaziz, qui était sous-directeur des activités centrales. Ce spécialiste de l'informatique doit répondre des délits de «complicité dans passation de contrat en violation de la réglementation pour accorder d'indus avantages à autrui» et «dilapidation de deniers publics». Il explique qu'avant d'être nommé directeur des activités centrales en juillet 2009, il était chargé de la gestion des grands projets de Sonatrach. «Par la suite, on m'a confié la gestion du siège Ghermoul. Ce sont des projets du ministre. Ils étaient déjà en exécution. Je ne faisais que les suivre», dit-il. Le juge le fait revenir à la réfection du siège de Ghermoul. Selon l'accusé, il y a eu «un avis d'appel d'offres national et international pour le diagnostic, l'étude et le suivi, lancé par Chawki Rahal, vice-président chargé des activités commerciales, qui était le maître de l'ouvrage, nous en tant que délégué. C'est clairement précisé dans le procès-verbal. Le PDG m'a convoqué dans son bureau. Il m'a intimé l'ordre d'aller occuper Ghermoul et d'entamer la démolition. Dès que je suis sorti, de son bureau, M. Senhadji, chargé des activités centrales et qui était mon supérieur, m'appelle pour me demander de préparer un projet de lettre uniquement pour le cahier des charges». Le juge : «Mais l'étude n'était pas encore faite ?» L'accusé : «Il fallait démolir pour que l'étude démarre. J'ai informé le bureau d'étude retenu, CAD, appartenant à Mme Meliani, puisque le marché lui avait été confié de gré à gré par le PDG et Senhadji.» Le juge : «Vous aviez lancé un avis d'appel d'offres et il y a eu des soumissions. Pourquoi le gré à gré ?» Abdelwahab : «Ceux qui ont pris cette décision sont Senhadji et Meziane. Ils disent qu'ils ont eu des instructions parce qu'il y avait urgence. Le gré à gré, c'est uniquement pour le diagnostic et l'étude. Dans la pratique, au niveau de la compagnie, tout ce qui n'est pas quantifiable passe par un gré à gré. 90% des études sont données de gré à gré parce qu'elles ne sont pas quantifiables.» Le juge : «Qui a choisi ce bureau ?» L'accusé : «C'est Senhadji qui a décidé. Le montant du projet était de 450 millions de dinars.» Le juge rappelle à Abdelwahab ses propos tenus lors de l'instruction, selon lesquel le gré à gré a été décidé par le PDG, sur proposition de Senhadji. Selon lui, CAD avait réalisé 50% de l'étude et a obtenu le paiement, signé par l'ordonnateur Senhadji, après la validation par ses soins du service fait. «Lorsqu'il a réalisé la seconde partie des travaux, le maître de l'ouvrage a émis des réserves. Le bureau ne pouvait pas être payé. Mme Meliani est venue se plaindre à moi. J'ai vérifié, j'ai trouvé qu'elle avait présenté des documents qui avaient été rejetés par les ingénieurs, qui ont estimé que les travaux n'étaient pas conformes», explique l'accusé. Le président revient sur la chronologie de ce projet. «M. Senhadji nous avait dit qu'il n'était pas question de lancer un avis d'appel d'offres tous azimuts. Il nous a demandé de choisir les sociétés les plus performantes, comme celles qui travaillaient avec BRC par exemple. J'ai fait une présélection parmi celles-ci et j'ai présenté une liste de 8, qui a été validée par le PDG et le directeur exécutif chargé des activités centrales, M. Senhadji. La consultation restreinte a été lancée. Nous avons obtenu les offres techniques. J'étais sur le point de faire l'alignement de ces derniers lorsque M. Senhadji m'a appelé pour me dire de transmettre le dossier à Rahal, chargé de la commercialisation, qui s'est plaint des lenteurs dans sa gestion. J'ai fait le transfert à la commercialisation, qui a achevé la procédure et signé le contrat.» Abdelwahab révèle avoir remis tous les dossiers de gré à gré que les agents du DRS lui avaient demandé. Le président cite une longue liste de marchés de dizaines de millions de dinars et d'euros octroyés à CAD, mais aussi à des sociétés chinoise, turque, et libanaise pour réaliser, par exemple, le club de tennis de Hydra (17 millions d'euros), le club pétrolier de Zéralda pour 37,9 millions de dollars, une étude de réfection de deux étages du siège de Ghermoul pour 3 millions d'euros, la réfection du 10e étage pour 2 millions d'euros, et «la liste est longue», lance le président. L'accusé : «Les 3 millions d'euros concernent un avenant au premier contrat avc KPMG, datant de l'époque de Senhadji. Je l'ai annulé, parce qu'ils avaient refusé d'ouvrir un bureau comme le précise la procédure.» Le juge l'interroge sur un autre contrat de 690 millions de dinars pour la construction de hangars. Il explique qu'il s'agit d'une opération de sponsoring décidée par le ministre de l'Energie, pour la réalisation de hangars au profit du ministère de la Justice. Le juge l'interroge sur le lien entre l'accusé et le contrat objet de l'affaire. L'accusé persiste à affirmer qu'il n'a fait que rédiger un projet de lettre sur l'étude de marché, sur demande de son responsable, le directeur des activités commerciales, lequel l'a signée. Il reste formel quant au choix du bureau d'étude CAD par le directeur des activités centrales. Abdelwahab explique qu'après les enquêtes du DRS, «Rahal a dit avoir acheté un terrain à Bab Ezzouar pour construire un siège. Le PDG a ordonné le transfert du dossier de réalisation de Ghermoul à mes services, d'enlever tout ce qui était produits de luxe et de lancer un avis d'appel d'offres national ouvert». Le juge lui rappelle ses déclarations selon lesquelles le bureau CAD a obtenu de nombreux contrats de gré à gré depuis BRC jusqu'à Ghermoul, sur ordre de Senhadji et avec l'accord du PDG. Abdelwahab confirme. Au sujet de la qualification du bureau d'étude dans ce projet, l'accusé, sans hésitation, affirme : «Les ingénieurs ont émis des réserves sur des détails de l'étude. Le bureau n'était pas compétent. En tant que responsable j'ai décidé bloquer le paiement pour préserver les intérêts de Sonatrach.»