Des centaines de citoyens, venus de plusieurs wilayas du pays, se sont déplacés hier au village natal de Si El Hafid Yaha, à Aït Atsou, pour dire adieu au combattant, au militant et au témoin qu'il fût. Il y avait une grande émotion dans ce village haut perché du Djurdjura, qui a enfanté, à l'instar des autres régions d'Algérie, tant de combattants ayant libéré le pays du joug colonial français, mais aussi ayant lutté durant des décennies pour une Algérie meilleure et pour une démocratie majeure. Comme prévu, Si El Hafid, comme l'appelait familièrement l'ensemble de ses amis, notamment ses compagnons en politique, a eu droit à un enterrement digne de sa stature et de sa dimension. Ce grand homme a eu droit à des funérailles populaires empreintes de modestie et loin de tout caractère officiel qu'il aurait lui-même désavoué de son vivant. Car Abdelhafid Yaha s'est toujours proclamé du côté du peuple et a de tout temps fui les honneurs officiels, dont raffolent pourtant certains hommes qui n'égaleraient pas un dixième de sa trempe. Parmi les hommes de culture ayant tenu à rendre hommage à Si El Hafid, il y a le militant et le chercheur dans le domaine amazigh, Abdennour Abdesselam, qui s'est rendu déjà au village natal du combattant juste après l'annonce du décès de Abdelhafid Yaha, afin de soutenir ses proches en cette pénible circonstance. Abdennour Abdesselam n'a pas tari d'éloges sincères en prenant la parole longuement hier. Il a ainsi évoqué la mémoire de Abdelhafid Yaha, son parcours et son apport important au combat pour la liberté et la démocratie en Algérie. Un cheminement que Si El Hafid a commencé durant la période coloniale et qu'il a même poursuivi après l'indépendance, une fois ayant constaté que cette même indépendance allait être confisquée. Avec d'autres compagnons d'armes, il a fondé le Front des forces socialistes. Il a payé son engagement pour la démocratie avec des années d'exil amer. Il ne revient au pays qu'après les événements d'Octobre 1988 à la faveur de la Constitution de l'époque qui consacrait le multipartisme et la liberté d'expression. En plus de centaines de citoyens, plusieurs anciens militants du Mouvement culturel berbère (MCB) étaient présents à l'enterrement hier à l'instar d'Arezki About, l'un des 24 détenus du Printemps berbère 1980 et Saïd Doumane. Etaient aussi présents Brahim Merad, wali de Tizi Ouzou et le président de l'Assemblée populaire de la même wilaya ainsi que Hocine Haroun, le sénateur fraîchement élu. D'autres personnalités se sont rendues la veille au même village pour présenter leurs condoléances à la famille du défunt, à l'instar de Saïd Sadi et Nordine Ait Hammouda. Le parcours de Si El Hafid Yaha ne pourrait être résumé en quelques lignes tant il est riche. Il a d'ailleurs consacré lui-même pas moins de deux ouvrages pour apporter une multitude de témoignages et narrer les événements les plus saillants ayant émaillé son parcours. Son dernier livre, «FFS contre dictature» a été publié aux éditions Koukou le 20 juin 2015. En ayant recours à l'écriture, Si El Hafid a bien compris et au bon moment la nécessité de mettre noir sur blanc sa contribution à l'écriture de l'Histoire de notre pays aussi bien avant l'indépendance qu'après la libération du pays. Entre 1954 et 1962, Si El Hafid a été un chef militaire dans les rangs de l'ALN. Il crée et active au FFS après 1962 puis, le 16 juin 1965, il cosigne les accords avec le FLN. Un accord qui a permis de mettre un terme à une véritable guerre fratricide. Grâce à son réflexe salvateur pour écrire et sauver l'Histoire, le regretté Yaha a légué à la postérité des livres où sont racontées, selon son point de vue, plusieurs étapes aussi importantes les unes que les autres: l'indépendance de l'Algérie, la création du FFS et tous les autres pans de l'Histoire ayant succédé au lendemain de l'indépendance.