En adaptant «A quoi ça sert l'amour?» d'Edith Piaf et en la chantant en duo avec Khellaf Oudjedi, ancien parolier du groupe Akfadou, Yanis ose casser un tabou pour s'ouvrir davantage sur l'universalité. Après un premier album, qui avait suscité l'admiration, Yanis revient ces jours-ci avec un second pour confirmer tout le bien qu'on pensait de lui. Jeune parmi les jeunes dont il chante les rêves bâillonnés, Yanis est aussi témoin de son temps. Avec sa guitare, il veut changer le monde. Il y croit dur comme fer. Pour nous en convaincre, il paraphrase Lounis Aït-Menguellet: «Qui veut voir le monde changer commence par changer lui-même.» En la matière, ce jeune chanteur à l'âme révoltée a traduit sa pensée en réalité dans un nouvel album de neuf titres intitulé «Thuz ul inu» (Elle a ébranlé mon coeur). Yanis a innové en introduisant des thèmes révélateurs de l'urgence d'un sursaut des consciences pour sauver l'environnement d'une dégradation inéluctable, pour ressusciter l'espoir chez une jeunesse en perte totale de repères, mais aussi pour arrêter le naufrage des valeurs comme la solidarité, la fraternité, l'honneur et la dignité humaine. Yanis se fait l'avocat de l'amour, sentiment qu'il magnifie en l'élevant au firmament des rêves. Dans la chanson «Tamakurt» (voleuse), l'amour est synonyme de joie, de sincérité, de bonheur, de paix, mais aussi d'éternité. «Thuz ul-inu» (Elle a ébranlé mon coeur), qui porte le titre de l'album, peint les premiers émois d'un coup de foudre. «Lukan ur tezwidjedh ara» (Si tu n'étais pas mariée) est la chanson réquisitoire qui dénonce les mariages de raison qui sont le tombeau de l'amour. C'est dans la chanson «Ruh a tayri» (Va, mon amour), que la fille aimée est comparée au soleil par sa splendeur, à la neige par sa blancheur immaculée. Toutefois, la séparation transforme tout en enfer. Le phénomène «harraga» qui est une conséquence dramatique de l'absence de tout espoir d'insertion dans la société pour le jeune Algérien est traité dans la chanson «Ilemzi yefcel» (Désespoir de notre jeunesse), Taqbaylit-iw (Ma kabylie) est un cri de détresse. Pour l'artiste, le béton qui dévore les terres agricoles, les bouteilles et canettes qui jonchent les fossés des routes, les comportements contraires à la morale, les incendies qui ravagent chaque année les oliveraies, sont autant de preuves que la situation de la Kabylie est alarmante. Yanis a fait un rêve comme Martin Luther King, un rêve dans lequel l'Algérie devient un pays où toutes les croyances sont tolérées, où la femme est l'égale de l'homme, où les langues des Algériens sont protégées et développées sans arrière-pensée et où la démocratie n'est plus un leurre... Ce beau songe est décrit dans la chanson «Urgagh tamurt-iw» (J'ai rêvé de mon pays). L'originalité de cet album, c'est la chanson «I wacu-tt tayri» une adaptation de «A quoi ça sert l'amour?» d'Edith Piaf. En plus d'être très fidèle à sa version française, la mélodie qui l'accompagne est très adaptée. La chanson a été interprétée par Yanis et son propre père Khellaf Oudjedi, ancien parolier du groupe Akfadou, un fait rare dans notre société où les tabous ont encore la peau dure. Oser chanter l'amour en duo père et fils, c'est une gageure! L'exemple nous est donné pour nous ouvrir davantage sur l'universalité. Cette oeuvre musicale, dont les arrangements sont exécutés avec bonheur par le talentueux Ali Arezki d'Ighzer Amokrane a été réalisée avec la participation de musiciens de la trempe de Dahmane Bendahmane. En plus de bercer l'esprit par la douceur des mélodies qui le composent, cet album de Yanis interpelle les consciences pour vaincre la fatalité, c'est aussi un bel hymne à l'amour. L'album se termine par un instrumental «Ijedjigen» (Les fleurs) qui est synonyme de printemps, la saison de toutes les éclosions, celle de la vie tout simplement.