Pour éluder les équivoques, le président pourrait être amené à légiférer par ordonnance. Le chef de l'Etat usera-t-il des pouvoirs que lui confère la Constitution actuelle pour accélérer les réformes en attendant de se tailler un texte fondamental sur mesure, pour éviter les blocages qui peuvent survenir, entravant sérieusement la poursuite de son programme ? La question est d'actualité et pourrait constituer une porte entrouverte pour le président qui a eu à se plaindre des lenteurs dans l'amorce du processus économique. Le président signera aujourd'hui la loi de finances 2005. Ce texte, qui n'est pas du goût du chef de l'Etat, contient des amendements qu'il a décriés. Vu les incohérences et les contradictions qui ont émaillé l'adoption de la mouture, les observateurs avisés supposent que le président, pour éluder les équivoques, pourrait être amené à légiférer par ordonnance. Une prérogative qu'il détient, qui prend l'allure d'une sortie de crise en cas de litige rémanent entre les institutions. Le président peut recourir à la promulgation du texte proposé par le gouvernement au parlement bicaméral, donc dans sa version initiale, par ordonnance, conformément à l'article 127 de la Constitution. Effectivement, le chef de l'Etat peut demander une deuxième lecture de la loi votée dans les trente jours qui suivent son adoption par le Sénat. Chose qui ne risque pas de se produire concernant la loi de finances puisque le délai a été dépassé. Dans ce cas précis, il peut recourir également à la promulgation de lois par décret ou, le cas échéant, rendre une loi exutoire en la complétant par une loi subsidiaire telle une loi de finances complémentaire pour résorber les différends. Le recours à la promulgation de lois par ordonnance permet au président de faire passer «ses lois». Une probabilité qui se fait persistante depuis que la loi de finances 2005 a été adoptée le 24 novembre dernier, créant une véritable polémique au sein des institutions. Une controverse autour de certaines dispositions malvenues, allant jusqu'à frôler la crise entre les principaux pouvoirs en place. La récente sortie médiatique du chef de l'Etat, qui s'est enfin prononcé sur certaines dispositions contenues dans le texte consacrant l'orientation économique pour cette nouvelle année, auquel les parlementaires de la chambre basse ont introduit des amendements qualifiés de contraires aux engagements internationaux, est significative de ce malaise qui pourrait dicter l'éventualité d'une telle démarche. En jetant un pavé dans la mare, le président décline d'un côté, la compétence du parlement bicaméral qui a statué pour la reconduction de la mesure d'importation de véhicules de moins de trois ans et d'un autre côté il ouvre les hostilités contre un cercle hermétique. Ce dernier exerce dans l'ombre. Il lui a dressé un violent réquisitoire en annonçant la fin des privilégiés du système qui sévissent depuis la fin de la guerre d'Algérie. Ceci est translucide dans sa dernière déclaration «il est très facile de maquiller un véhicule où même le compteur kilométrique est faux. C'est pourquoi il faut la priorité aux véhicules neufs». Ces propos ont été tenus en marge d'une double inauguration. La première a concerné une stèle érigée à la mémoire des dix-huit marins morts lors du drame du port d'Alger, qui a vu le naufrage du cargo le Béchar. La deuxième concerne l'acquisition par la société nationale de transport maritime des voyageurs (Sntmv) d'un bateau dénommé Tassili II. Il faut signaler que cette sortie n'est pas fortuite. Pour ceux qui suivent attentivement les événements, elle fait partie d'une série de signes et indices qui traduisent une volonté de changement. Il faut rappeler, s'agissant de la loi de finances 2005, que le texte en question devait être valable dans son ensemble pour une période de cinq ans. Ce qui équivaut au mandat présidentiel. En effet les projections du cadre économique pour la période 2005-2009 ont été faites sur la base des conjectures suivantes «un prix du baril de 19 dollars pour toute cette période. Un taux de croissance annuel des importations de 5%, un taux d'inflation cohérent avec la politique budgétaire préconisée». Pour l'argentier du pays, la stratégie financière «sert d'appui à la réalisation du programme de Bouteflika. il s'inscrit dans la logique de la consolidation de la croissance économique qui nécessite la mobilisation de 3800 milliards de DA . Ce qui représente l'équivalent de 12,7% de la richesse nationale produite au cours de la période considérée». C'est donc toute la stratégie économique qui est remise en question avec des amendements qui vont à l'encontre du plan tracé en conséquence. L'autre disposition qui n'arrange pas les affaires du président est celle relative à l'interdiction des boissons alcoolisées. Celle-ci met à mal notamment les engagements internationaux ratifiés par l'Algérie et qui ne sauraient souffrir du veto du pouvoir législatif.