Le président tunisien, qui a signé un accord militaire avec l'Otan, sans en aviser l'Algérie, a jeté un froid entre les deux pays. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, devait arriver hier à Alger pour une visite de deux jours. Le déplacement de M.Jhinaoui, annoncé très timidement par les autorités algériennes, ne semble pas entrer dans un agenda préalablement établi entre les deux capitales. La tradition en matière de visites ministérielles veut que le pays hôte, l'Algérie en l'occurrence, déploie un minimum de communication via les canaux officiels. Pour cette visite précisément, c'est le ministère tunisien des Affaires étrangères qui a diffusé un communiqué, relayé par les sites d'information. Ainsi, selon un communiqué publié vendredi, le département de Khemaies Jhinaoui, révèle que cette visite «s'inscrit dans le cadre de la tradition de concertation et de coordination continue, instaurée entre la Tunisie et l'Algérie en matière de coopération bilatérale et sur les questions d'intérêt commun». Un jargon diplomatique de circonstance qui cache mal une volonté de recoller les morceaux. Ce sentiment est d'autant plus évident que le ministre tunisien, souligne le communiqué, est porteur d'un message écrit du président Béji Caïd Essebsi au président Abdelaziz Bouteflika. Côté algérien, cette visite n'a nullement été commentée par un communiqué officiel, c'est tout juste que ladite visite a été rapportée par l'Agence APS, sans faire référence à aucune instance de l'Etat. Il y a dans l'attitude de l'Algérie un «détachement» qui en dit long sur la tiédeur des relations entre les deux pays, même si à un niveau de représentation subalterne, les rapports sont restés cordiaux, voire de même niveau d'intensité. Mais il est clair qu'au niveau politique, la bourde de Béji Caïd Essebsi, qui a signé un accord militaire avec l'Otan, sans en aviser l'Algérie, a jeté un froid entre les deux pays. La «colère» d'Alger se justifie amplement puisqu'à la veille de son déplacement à Washington pour parapher l'accord sur le dos de l'Algérie, le président tunisien était à Alger. Faut-il rappeler que les deux pays étaient tenus par une tradition de consultations mutuelles sur les affaires internationales susceptibles de concerner le voisin. Or, sur cette histoire de l'Otan, le président tunisien a brisé un accord vieux de plusieurs décennies, manquant, de fait, à son devoir de dirigeant responsable. La visite de Khemaies Jhinaoui pourrait être une tentative de réconciliation avec Alger, laquelle est bien obligée de donner suite en raison de la complexité de la situation en Libye qui peut déteindre sur l'Algérie et la Tunisie en cas d'intervention étrangère. Le ministre tunisien des Affaires étrangères «devrait, également, rencontrer plusieurs hauts responsables algériens avec lesquels il examinera la coopération tuniso-algérienne et les moyens de la consolider dans divers domaines», note le communiqué. Cette reprise de contact après des mois de brouille qui ne disait pas son nom pourrait-elle contribuer à dégeler les relations? Tout dépend de la teneur du message adressé par Caïd Essebsi à Bouteflika. Mais en tout état de cause, il est clair qu'Alger ne semble pas montrer le même enthousiaste que celui déployé par la Tunisie.