Intervenant en marge de l'élection du nouveau président du Comité spécial de décolonisation de l'ONU [le Vénézuélien Rafael Dario Ramirez Carreno], le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a assuré que «le colonialisme est une 'priorité urgente'' pour la 'communauté internationale'', dont l'élimination exige une 'action rapide''.» Sans doute! Toutefois, pour la «rapidité», il faut dire qu'il y a comme un défaut, dès lors que les Nations unies ont mené ces dossiers, «prioritaires» à en croire M.Ban, à une allure de sénateur. Pour ne prendre qu'un exemple, le dossier du Sahara occidental est clair comme de l'eau de roche: une occupation militaire par des forces étrangères et une colonisation qui dure depuis 40 ans. M.Ban, parle-t-il pour ne rien dire, lui qui est bien placé pour savoir absolument où se situent les blocages qui empêchent l'ONU d'accomplir sa mission de décolonisation? Ban Ki-moon indique ainsi: «Nous devons faire mieux, en se concentrant sur la réalisation des actions approuvées par l'Assemblée générale», soulignant que «la communauté internationale avait les moyens d'éradiquer le colonialisme». Certes! Ce qu'il ne précise pas est que si l'Assemblée générale fait de l'excellent travail pour promouvoir la décolonisation, ses résolutions ne sont pas contraignantes et dépendent de l'approbation du Conseil de sécurité. Ce qui est loin d'être évident alors que de nombreux peuples sont en attente de leurs indépendances confisquées, non point par les pays colonisateurs, mais par ceux qui les soutiennent au Conseil de sécurité grâce, notamment, à leur veto. M. Ban sait sûrement quels sont les pays qui tirent les ficelles et font perdurer le fait accompli de la colonisation. Pour rester sur l'exemple du Sahara occidental, Ban Ki-moon ne va pas faire croire que ce serait le Maroc qui tiendrait en échec une organisation telle que les Nations unies? Alors, soyons sérieux! En fait, la vraie question est de savoir si l'ONU a jamais eu les moyens [non pas de décoloniser, car ces moyens existent à profusion, il suffit de les mettre en application] de contenir les obstructions des grandes puissances, largement responsables du pourrissement des dossiers et du maintien du statu quo dans des cas tels que le Sahara occidental et la Palestine (n'en déplaise à d'aucuns, le dossier palestinien est bien celui de décolonisation, quoiqu'il ne figure pas sous cette rubrique à l'ONU). Le Comité de décolonisation de l'ONU cite 17 territoires non autonomes, omettant d'y inclure la Palestine, mais aussi la Réunion et l'île de Mayotte toujours administrées par la France. Il y a ainsi quelques mises à jour à entreprendre par l'ONU et son Comité de décolonisation. Les progrès en matière de décolonisation réalisés par l'ONU sont indéniables et il serait vain de le nier. Néanmoins, il reste 17 territoires non autonomes - pour ne prendre en compte que le chiffre énoncé par le Comité de décolonisation de l'ONU - ce qui est beaucoup et cela ne peut s'expliquer dans un monde qui prône la démocratie, les libertés (collectives et individuelles), les droits de l'homme et le droit à l'autodétermination. Or, ce sont ces deux derniers droits qui sont bafoués par la persistance du colonialisme et la sujétion de peuples au joug de la domination et de l'occupation. Si l'ONU - qui veut certes favoriser l'émancipation des peuples - ne parvient pas à ses objectifs, c'est bien du fait que des membres influents du Conseil de sécurité soutiennent des pays qui usurpent des territoires qui ne leur appartiennent pas. Citons le cas de la Palestine, reconnue par la majorité absolue des pays membres de l'ONU, mais qui ne peut accéder à l'indépendance du fait de la menace de veto des Etats-Unis. Ainsi, ce pays tient en échec l'ensemble de la communauté des Nations regroupées au sein de l'ONU. C'est cela que M.Ban aurait dû mettre en exergue. Il ne l'a pas fait, dommage! Comme il n'a pas dénoncé le fait que l'Union européenne, malgré les mises en garde des services judiciaires de l'ONU, continuait à inclure le Sahara occidental occupé, dans ses accords de coopération avec le Maroc, cautionnant ainsi l'occupation du territoire sahraoui outre de donner aux entreprises européennes d'exploiter les richesses du Sahara occidental. Or, le Comité de décolonisation n'a pas réagi comme il devait le faire, ne serait-ce que par un rappel à l'ordre de la Commission européenne. Cela n'a pas été fait et c'est la Cour de justice de l'UE (Cjue), mettant en exergue l'illégalité d'un tel accord qui l'a annulé le 10 décembre dernier. Ainsi, l'UE, les Etats-Unis et la France ont fait [font] obstruction à la décolonisation dès lors que leurs intérêts sont en jeu, les faisant passer avant ceux des peuples qui souffrent le joug de la domination. Timor-Leste [un cas identique à celui du Sahara occidental] aujourd'hui membre du Comité de décolonisation de l'ONU, n'a pu accéder à l'indépendance en 2002 qu'après que les Etats-Unis eurent lâché l'Indonésie. Comme quoi, le secrétaire général de l'ONU sait donc pertinemment où le bât blesse et qui sont les vrais responsables de la perpétuation de la colonisation à travers le monde. Aussi, la question reste posée: à quoi sert l'ONU!