Ighil-Ali, littéralement en tamazight veut dire le mont d'Ali, est ce joli village kabyle situé au pied de la Kalaâ des Ath-Abbas, seul endroit où feu colonel Amirouche se séparait de ses chaussures tant la sécurité y régnait. Ce village est actuellement un chef-lieu de daïra après avoir été un caïdat jusqu'en 1946 puis un centre municipal regroupant certains villages avoisinants. Dans cette commune très ancienne, les pères blancs ont dû s'installer vers 1884 suivis des soeurs blanches peu de temps après, voulant sans doute ramener la population à leur religion. La première école a vu le jour à Ighil-Ali en 1915 et l'électricité y est arrivée dans les années 30. Tour à tour, ce joyau de Basse-Kabylie a connu prospérité et déclin. La prospérité des Ath-Abbas (nom donné aux habitants de cette contrée) venait de leur génie qui était partout. Des bijoutiers, charpentiers, armuriers en passant par les tisserands, vanniers et artisans de tout genre ont marqué l'épopée de cette région et c'est, semble-t-il, de là que sont partis certains métiers comme celui de bijoutier pour s'installer et s'ancrer à Ath-Yani par exemple. Même dans le domaine de la musique, chez les tbabla (tambourinaires), les vieux nous parlent de taâbast qui est une méthode de composition d'une équipe comprenant deux joueurs de ghaïta, un de bendir et un quatrième de tbal. Le déclin d'Ighil-Ali et de sa région fut d'abord après la révolution de 1871. Le rythme allait en diminuant jusqu'au début des événements qui ont permis le déclenchement de la guerre de Libération nationale. Aujourd'hui, malgré le statut «administratif», bien qu'il soit traversé par une route nationale, Ighil-Ali, qui a donné tant de cadres et d'intellectuels, demeure comme tous les gros villages de la Kabylie une cité qui vit son lot quotidien de manques et de souffrances, un village que le béton défigure de jour en jour. Seuls certains rituels, comme ces jours-ci la cueillette des olives qui sera suivie par «tchiw-tchiw» au printemps, permettent des retours aux sources avec des moments de réflexion profonde. Des associations existent, elles essaient de rétablir certains équilibres mais d'une manière très indigente. Mieux vaut tard que jamais.