Les services de sécurité tunisiens sont sur les dents La fermeture de tous les accès à la ville de Ben Guerdane, à l'île de Djerba ainsi qu'au poste frontalier de Ras Jedir, illustre la crainte des dirigeants tunisiens face à ces attaques inédites. En une semaine, à peine, la paisible localité de Ben Guerdane, située à 33 kilomètres de la frontière avec la Libye, a vécu un double attentat qui a plongé dans l'angoisse les habitants et mobilisé les forces d'intervention de la région. La route qui mène vers le poste-frontière de Ras Jedir, lieu de passage vers la poudrière libyenne et champ stratégique des nombreux contrebandiers qui activent dans tous les domaines, est mise sous haute surveillance. Le ministère de l'Intérieur tunisien a annoncé hier qu' un couvre-feu nocturne est en vigueur dans la ville de Ben Guerdane, après des attaques terroristes contre les districts de la sécurité et de la garde nationales et une caserne de l'armée au cours desquelles 28 terroristes ont été tués. La même source qui a donné le chiffre de 35 terroristes tués dans ces attaques accuse l'organisation Etat islamique d'avoir cherché à contrôler, ni plus ni moins, la région de Ben Guerdane. Une réunion a eu lieu hier matin au palais de Carthage entre Béji Caid Essebsi et Habib Essid pour sécuriser les régions frontalières au sud du pays tandis qu'une décision a été aussi prise pour la fermeture de tous les accès à la ville de Ben Guerdane et à l'île de Djerba ainsi qu'au poste frontalier de Ras Jedir. L'attaque contre une caserne militaire a eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi et le combat a duré plusieurs heures. Les informations distillées par le ministère de la Défense ont fait état de 35 terroristes tués, 10 membres des forces de l'ordre (six gendarmes, deux policiers, un douanier et un soldat) ainsi que sept civils parmi lesquels un enfant de 12 ans. Au moins, six terroristes blessés sont en outre aux mains des autorités. Hier, durant toute la journée, Ben Guerdane ressemblait à une ville morte, les habitants ayant été invités à demeurer chez eux tandis que les écoles restaient fermées. Dans la soirée, aucune revendication n'est venue «loger» le groupe terroriste dont tout indique qu'il s'est infiltré depuis la Libye voisine, vraisemblablement après le raid américain sur Sabrata, située à 100 kilomètres de la Tunisie, le 19 février, faisant une quarantaine de morts dans le camp d'entraînement ciblé. Auquel cas il relèverait de la mouvance de l'Etat islamique. Mais la prudence est de mise, Ansar al Charia, une entité dont la capacité de nuisance existe en Tunisie, peut, elle aussi, avancer cette revendication. L'attention des experts est focalisée sur les réseaux sociaux, car grande est l'interrogation autour de l'origine de ce groupe. Est-il entré ces jours-ci en Tunisie ou s'agit-il d'une cellule dormante? Dans l'une ou l'autre hypothèse, l'enjeu détermine la nature et la dimension des mesures à prendre de toute urgence. Les Tunisiens sont considérés comme le plus important groupe de combattants au service de l'organisation Etat islamique, avec près de 6000 éléments recensés dans les rapports internationaux. Et la tension enregistrée en Syrie, depuis l'entrée en guerre de la Russie contre les différents groupes terroristes qui sévissent dans ce pays, a conduit un certain nombre de combattants à se réfugier en Libye. Déjà, le 2 mars, une attaque avait eu lieu à l'aube, toujours à Ben Guerdane, au cours de laquelle cinq terroristes ont été abattus et un colonel blessé. Preuve que les inquiétudes des services de sécurité quant à la véritable capacité de nuisance des djihadistes disséminés à travers le territoire sont amplement justifiées. Car d'autres considérations interviennent qui ont trait au soutien logistique dont ces groupes peuvent bénéficier, ne serait-ce que pour avoir une telle liberté de manoeuvre. Il est donc, de plus en plus, fait cas des bases logistiques du terrorisme. Ce qui augure d'un climat néfaste pour les efforts du gouvernement Essid qui tente de relancer la machine économique, en particulier son vecteur touristique gravement affecté par les attentats du Bardo, puis d'El Kantaoui et de la garde présidentielle, en plein coeur de la capitale. Illustration de cette appréhension grandissante, les contrôles sont partout renforcés autour des zones névralgiques. Plusieurs centaines de victimes ont déjà payé le tribut du terrorisme parmi lesquelles de nombreux éléments des forces de sécurité. Et tout indique que la guerre ne fait que commencer. L'Algérie condamne «vigoureusement» l'attaque L'Algérie a condamné, hier, «vigoureusement» l'attaque terroriste dans la ville de Ben Guerdane en Tunisie et salue «la riposte courageuse» des forces de sécurité tunisiennes. «Nous condamnons vigoureusement l'attaque terroriste lancée, hier, contre la ville de Ben Guerdane en Tunisie. Tout en saluant la riposte courageuse et déterminée des forces de sécurité tunisiennes, nous assurons le peuple et le gouvernement tunisiens frères de notre solidarité pleine et entière», a déclaré à l'APS le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali Cherif. «Nous renouvelons par là-même notre rejet du terrorisme sous toutes ses formes et appelons l'ensemble des acteurs régionaux et internationaux à renforcer davantage leur coopération et à fédérer leurs efforts pour faire en sorte que la défaite du terrorisme partout où ce fléau se manifeste soit un objectif stratégique commun», a ajouté M.Benali Cherif.