On pouvait encore douter des accusations de neutralisation qui accablent l'ONU: les remous autour du dernier développement du dossier du Sahara occidental et la curieuse réaction du Conseil de sécurité nous édifient, un peu plus, quant à la véracité de la mainmise des membres permanents sur le fonctionnement de l'instance exécutive des Nations unies. Le Maroc, pays occupant d'un territoire non autonome [le Sahara occidental] selon la classification du Comité de décolonisation de l'ONU, avait quasiment traîné dans la boue le secrétaire général de l'institution internationale, Ban Ki-moon - remettant en cause l'autorité du premier personnage de l'ONU - et pris une série de mesures de rétorsion contre la Minurso. Que va faire le Conseil de sécurité? Il condamne fermement cette action inadmissible du Royaume chérifien? Pas du tout! Il fallut trois réunions aux 15 membres du Conseil pour arriver à un communiqué le moins qu'on puisse dire, sans consistance, lu par le président en exercice du Conseil de sécurité. Ce qui n'était ni une condamnation ni une «déclaration présidentielle», juste un écrit sans conséquence, qui est aussi la plus faible et insignifiante admonestation que le Conseil de sécurité pouvait infliger à l'un de ses membres. Ce qui veut dire qu'il y a eu des «marchandages» qui ont empêché le Conseil de sécurité de prendre les décisions appropriées qu'appelait le dangereux dérapage marocain contre Ban Ki-moon et la Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental [Minurso]. Ainsi, nous avons la preuve que certains pays - dans ce cas d'espèce, le dossier sahraoui, on peut sans peine mettre un nom sur le membre permanent (la France) qui a fait obstacle à la condamnation du Maroc- mettent en pratique leur propre «programme» au détriment de celui de la Charte et les résolutions de l'ONU afférentes au dossier en examen. Références pertinentes aux décisions que doit, devait, prendre le Conseil de sécurité. Cela n'a pas été le cas et, une fois de plus, le Conseil de sécurité a été muselé, mis dans l'incapacité d'accomplir ses missions de paix, de sécurité et de décolonisation. De fait, si des dossiers perdurent depuis des décennies [outre le Sahara occidental, depuis 40 ans, celui de la Palestine depuis 69 ans] sans aboutir à une solution adéquate c'est dû davantage aux obstacles érigés par des membres permanents du Conseil, que du fait de textes imprécis ou inappropriés. Le Sahara occidental est un territoire à décoloniser. Du point de vue de l'ONU, la séquence est claire, le Sahara occidental est un territoire occupé qui ouvre droit au peuple sahraoui à se prononcer par référendum sur son destin, en conformité avec la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 et les différentes résolutions consacrées à ce dossier. L'intitulé même de la Minurso ne laisse aucun doute sur son attribut: donner au peuple sahraoui de se prononcer pour son indépendance ou son intégration au Maroc. L'enchaînement indispensable était donc de permettre au peuple sahraoui de faire un choix loyal et transparent quant à son appartenance future. C'est du moins ainsi que les autorités onusiennes voyaient le schéma de décolonisation du Sahara occidental. Un processus devenu coutumier dans le traitement par l'ONU de dossiers similaires. Or, le principal acteur du contentieux, le Maroc, ne l'entend pas ainsi qui, affirmant la «marocanité» des territoires sahraouis, voulait imposer - si consultation électorale il y a - un «référendum confirmatif». Quelque chose d'unique dans les annales du droit international. C'est curieux que les juristes de l'ONU n'aient pas contesté cette approche baroque de la notion de décolonisation. Au long des années, Rabat s'est appliquée à vider la Minurso de l'essentiel de sa mission: la décolonisation du Sahara occidental. C'est tellement vrai que l'on a presque oublié - au moment où le Maroc tentait de faire vendre sa «troisième voie» [une «large» autonomie pour le Sahara occidental] - que la mission essentielle de la Minurso est, était et reste l'organisation d'un référendum pour les Sahraouis. Or, dans ce dossier quelque peu assoupi, le réveil a été brutal, lorsque [le secrétaire général de l'ONU], lors de son passage parmi les réfugiés sahraouis - le 7 mars dernier- avait enfin, formellement accusé le Maroc «d'occupation» de ce territoire non autonome. Dans la foulée, M.Ban avait prévenu de sa volonté de relancer les négociations entre le Maroc et le Front Polisario, afin d'arriver à une solution acceptable par un référendum. En quelques mots, le secrétaire général de l'ONU avait remis les choses à l'endroit et le contentieux sahraoui dans son contexte véritable: une question de décolonisation. S'ensuivit donc, la réaction outrée et démesurée de Rabat contre le secrétaire général de l'ONU, et les rétorsions contre la Minurso. Que va faire le Conseil de sécurité? Va-t-il soutenir son secrétaire général? Non, il humilie Ban Ki-moon en ne condamnant pas le Maroc. Aussi, redisons-le: à quoi sert l'ONU?