Des dizaines de chefs d'Etat et de gouvernement de pays musulmans sont attendus à Istanbul pour la 13e Conférence annuelle de l'OCI dans un contexte de crise. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a pour difficile mission de rassembler aujourd'hui, à l'occasion du sommet annuel de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), un monde musulman profondément divisé par plusieurs guerres et confronté à la menace jihadiste. Des dizaines de chefs d'Etat et de gouvernement de pays musulmans sont attendus à Istanbul pour la 13e conférence annuelle de l'OCI dans un contexte de crise, avec la poursuite des conflits en Syrie et au Yémen et une série d'attentats qui ont ensanglanté plusieurs Etats dont le pays hôte, la Turquie. «Le monde islamique est traversé par de nombreux conflits en son sein», a déploré le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu au cours d'une réunion préparatoire mardi soir, exhortant les membres de l'OCI à «faire preuve d'unité et de solidarité». «Le confessionnalisme divise l'Oumma. Le terrorisme et les mouvements extrémistes s'attaquent à notre stabilité. Au bout du compte, ce sont des musulmans innocents qui souffrent le plus», a-t-il poursuivi. S'il se présente aujourd'hui en unificateur, le gouvernement islamo-conservateur turc a parfois lui-même contribué par son activisme régional à accentuer les divisions qu'il dénonce. La période des «printemps arabes» s'est soldée pour la Turquie, dont la diplomatie a longtemps suivi le principe «zéro problème avec les voisins», par un isolement presque total dans la région. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a été l'un des premiers dirigeants étrangers à réclamer en 2011 le départ du président syrien Bachar al-Assad, son ancien allié, confronté à une rébellion armée. Et Ankara a été accusé de soutenir des combattants islamistes en Syrie. La Turquie est également brouillée avec l'Egypte depuis le renversement en 2013 du président issu des Frères musulmans Mohamed Morsi, et les relations avec l'Iran sont économiquement en pleine croissance mais diplomatiquement volatiles. Egalement en froid avec Moscou après avoir abattu un avion russe accusé d'avoir violé leur espace aérien à la frontière syrienne, les Turcs ont multiplié les efforts pour réactiver dans la région d'anciennes amitiés, comme celle avec Israël, ou chercher des alliances nouvelles, notamment avec l'Arabie saoudite. En ce sens, ce sommet «tombe très bien au moment où (...) la Turquie a besoin de restaurer son image au sein du monde musulman» et «souhaite accroître ses liens avec l'Arabie saoudite», souligne Jean Marcou, professeur de relations internationales à Sciences Po Grenoble et spécialiste de la Turquie. Le président Erdogan a reçu mardi avec les honneurs le roi saoudien Salmane, en visite officielle avant le sommet. Symbole de son importance, le chef de l'Etat turc a décerné à son hôte la plus haute distinction réservée aux dirigeants étrangers. La Turquie compte sur l'Arabie saoudite pour la réconcilier avec l'Egypte, dont le président, Abdel Fattah al-Sissi, que M.Erdogan avait qualifié de «tyran illégitime» en 2014, sera l'un des grands absents. Mais le rapprochement en cours avec Riyadh n'est pas sans risques. A cause de cet alignement, «la Turquie pourrait apparaître comme un pays plus confessionnel» alors qu'elle s'est jusqu'ici efforcée de «rester à l'écart de la confrontation entre Arabie saoudite et Iran, entre sunnites et chiites», explique Soner Cagaptay, directeur du programme de recherche turc au centre de réflexion Washington Institute. Cette conférence de l'OCI se déroule sous haute sécurité dans le centre d'Istanbul, la Turquie vivant depuis plusieurs mois en état d'alerte renforcée en raison d'une série d'attentats attribués au groupe Etat islamique ou liés à la reprise du conflit kurde. Selon l'OCI, le sommet doit adopter une résolution sur le conflit palestinien et soutiendra les efforts internationaux de relance d'un «processus politique collectif».