Amnesty International a accusé hier l'armée nigériane d'avoir abattu délibérément 350 musulmans de la minorité chiite fin 2015 avant d'enterrer leurs corps dans des fosses communes et de détruire les preuves de ce carnage. Les 12 et 13 décembre, des affrontements s'étaient produits à Zaria, fief du Mouvement islamique du Nigeria (IMN), des chiites partisans de l'instauration d'un régime à l'iranienne, dans l'Etat de Kaduna, dans le nord du Nigeria. Des membres de l'IMN en procession avaient bloqué le convoi du chef d'état-major des armées, le général Tukur Yusuf Buratai, provoquant une répression brutale de l'armée. Dans un rapport intitulé «Révélons la vérité sur les assassinats illégaux et la dissimulation de masse à Zaria», Amnesty International juge sans fondement les allégations de l'armée selon lesquelles les partisans de l'IMN auraient tenté d'assassiner le général, une accusation formellement démentie par le groupe chiite. Son chef, Ibrahim Zakzaky, et sa femme sont incarcérés à Zaria depuis les faits. Le leader chiite a perdu un oeil lors des affrontements, dont il est ressorti partiellement paralysé. Le rapport d'Amnesty paraît alors que les parties se renvoient la responsabilité des violences. Selon l'organisation de défense des droits de l'Homme, l'armée a agi «illégalement» à Zaria en tirant «à l'aveugle» sur des civils désarmés. «La raison pour laquelle l'armée a lancé une telle +opération militaire+ n'est pas claire dans une situation de simple maintien de l'ordre public», indique le rapport. L'armée, qui a souvent été accusée d'abus à l'encontre des civils dans sa lutte contre l'insurrection de Boko Haram, maintient que ses troupes ont réagi à Zaria de manière appropriée. «L'armée nigériane n'a fourni aucune preuve alimentant ses allégations selon lesquelles les protestataires de l'IMN auraient tenté d'assassiner le chef d'état-major des Armées», poursuit Amnesty, avant d'affirmer que «l'armée nigériane a brûlé vif plusieurs personnes, rasé des bâtiments et jeté les corps dans des fosses communes». La plupart des preuves ont été «méticuleusement détruites», poursuit le rapport, qui accuse les soldats de couvrir ce carnage en empêchant l'accès au site. «Les corps ont été emmenés, le site rasé, les gravats déblayés, les traces de sang nettoyées, les balles et les douilles ôtées des rues», lit-on. Le porte-parole des forces armées nigérianes, le général Rabe Abubakar, a estimé que le document d'Amnesty était «injuste» et s'est plaint que l'armée n'ait pas été consultée avant sa publication. «S'ils ont des preuves, qu'ils les montent pour que tout le monde les Voie», a-t-il dit. Il a assuré que les militaires ne s'en prenaient pas aux «citoyens qui respectent la loi». «Ceux que nous avons affrontés devaient être des criminels ou des ennemis de l'Etat», a-t-il dit.