Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
"La liberté de notre presse est relative" 3 MAI: JOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE:YACINE OULD MOUSSA, JOURNALISTE ET ECONOMISTE, À L'EXPRESSION
Dans cette interview, Yacine Ould Moussa, ex-rédacteur en chef de Révolution africaine, journaliste, chroniqueur et économiste étale les conditions de la presse libre et professionnelle en mettant le doigt sur «les hauts» et «les bas» de «l'aventure intellectuelle» algérienne. L'Expression: Quelle est la lecture que vous faites de la trajectoire de la presse algérienne, publique et privée, arabophone et francophone, notamment depuis l'ouverture de 1989? Yacine Ould Moussa: L'ouverture du début des années 1990 est une très bonne chose. La presse écrite qui était née dans son sillage a pris en charge la diversité politique, économique, sociale et culturelle de l'Algérie. Néanmoins, il est toujours difficile de concilier le devoir d'informer avec les impératifs du marché qui, très souvent, impose son diktat à la presse. Le besoin en ressource publicitaire pousse, dans moult cas, les journaux à céder à la facilité. Ceci se répercute sur la qualité des journaux, mais aussi sur leur crédibilité. Il faut ajouter à cela le problème de la formation dont souffrent plusieurs journaux. En effet, beaucoup d'instituts de formation en journalisme et en sciences de la communication ont été ouverts, mais sans résultats probants: les journalistes restent, pour beaucoup, mal formés et les communicants, qu'ils soient institutionnels ou autres, n'accomplissent toujours pas leur travail de communication comme il se doit. Les journalistes algériens manquent donc de professionnalisme? Le professionnalisme ne se décrète pas comme on essaie de le faire en ce moment. Le journaliste évolue dans un milieu et obéit aux conditions qu'il impose. Or, chez nous, aucun secteur n'est vraiment professionnel. La confusion et le manque de transparence sont partout. Le journaliste ne peut que refléter cet état des lieux. La presse n'est et ne sera que ce qu'est et sera la politique, l'économie, la culture, etc., dans notre pays. Un journaliste ne peut pas être moralement rigoureux dans un environnement délinquant. Beaucoup de journalistes des pays de l'ère dite «arabo-musulmane» pensent que les médias algériens sont «très libres». Qu'en est-il selon vous? Il est évident que si l'on comparait la presse algérienne à la presse de certains pays arabes, on peut dire qu'elle est libre. Mais le Monde arabe n'est pas une référence et ne doit pas l'être car, aucun des pays de cette région, n'a vraiment quelque chose à voir avec la liberté de la presse. Pour nous situer en matière de liberté, on doit se comparer aux pays qui la pratiquent et, à ce niveau, il est évident que la liberté de la presse algérienne est relative. Car, c'est la transparence de l'environnement politique, socio-économique, institutionnel, etc., qui fait la liberté de la presse et cette transparence nous fait défaut. Quel bilan faites-vous de notre petite expérience dans l'audiovisuel? Les chaînes qui ont été créées après l'ouverture du champ audiovisuel permettent à plusieurs acteurs sociopolitiques et économiques de s'exprimer. Ces chaînes ont également recruté plusieurs jeunes qui commencent à faire leurs armes dans les métiers de l'audiovisuel. Sur ce plan, c'est une bonne chose. Mais, pour le reste, c'est une calamité. Il y a beaucoup d'abus et d'approximations dans le traitement de certains sujets. De plus, la qualité de certaines émissions laisse vraiment à désirer. On peut ajouter également la précarité juridique de ces chaînes qui sont à peine tolérées, ce qui n'encourage pas vraiment leur développement. L'émergence de la presse électronique va-t-elle «tuer» la presse traditionnelle? Le taux de pénétration du numérique est encore faible chez nous. Dans un proche avenir, il y aura certes moins de journaux papiers et plus de sites d'information. Mais la révolution numérique reste encore à faire car, son succès ne dépend pas de l'existence de sites électroniques d'information mais d'une véritable industrie des contenus. Pourquoi n'existe-t-il pas de presse spécialisée et de périodiques en Algérie? La création d'un journal spécialisé est la rencontre de deux besoins: le besoin des acteurs de chaque secteur d'expliquer leurs visions et leur stratégie à leurs clients et partenaires et le besoin des journalistes de présenter un produit fini à un public spécialisé et intéressé. Ces deux besoins ne se sont pas encore rencontrés. Par conséquent, il est difficile d'alimenter un journal spécialisé, les acteurs à même de fournir des informations sur leurs activités n'étant pas intéressés et il est également pénible, voire impossible, de trouver les ressources nécessaires pour le financer.