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Les élites émergentes à l'épreuve de la guerre
19 MAI 1956 - 19 MAI 2016
Publié dans L'Expression le 19 - 05 - 2016

L'université d'Alger durant la colonisation
Le 19 mai 1956 la section Ugema d'Alger lançait un appel à la grève illimitée des cours et des examens et au ralliement aux maquis de l'ALN. Cette grève allait être formellement levée lors de la rentrée universitaire 1957/1958. Soixante ans plus tard, comment apprécier l'événement, ses enjeux et sa portée?
L'année 1956 apparaît, sur divers registres, comme l'année de l'installation de l'état de guerre en Algérie. Dans le sillage des répliques de plus ou moins fort impact de l'offensive stratégique d'août 1955 du Nord-Constantinois, la victoire,en janvier, du «Front républicain» -alliance des socialistes de la Sfio et des radicaux- acte, au plan politique, cette évolution qui fait du triptyque «cessez-le-feu, élections, négociations», l'enseigne du nouveau gouvernement dirigé par Guy Mollet.
Les contacts alors noués avec «la rébellion» -c'était alors le terme convenu, notamment par l'intermédiaire du chef de cabinet de Mollet, Commins, tournent vite court et à Alger même, c'est sous la protection du service d'ordre FLN que Camus lance son «appel à la trêve civile» sous la menaçante bronca des activistes européens.
La journée du 6 février dite des «tomates» -l'accueil violent réservé par les activistes européens au chef du gouvernement en visite à Alger-, le vote à la mi-mars des pouvoirs spéciaux, marquent un réel tournant de la guerre.
Les étudiants européens de l'université d'Alger sont partie prenante de la montée en puissance des tensions qui organisent une grève de dix jours pour protester contre le «caractère discriminatoire de nouvelles dispositions de la fonction publique» réputées favorables aux indigènes musulmans et n'hésitent pas à user de violence pour empêcher le Pr André Mandouze, coupable de sympathie pour la cause algérienne, d'assurer ses enseignements.
Du syndicalisme estudiantin algérien
Quand bien même étaient-ils minoritaires en nombre -par rapport aux 5000 étudiants français de l'université d'Alger-, les étudiants algériens, qui représentaient une large part des élites scolarisées musulmanes, avaient su maintenir la tradition et la culture syndicales inaugurées dès 1919 avec la création de «L'Aemna» l'Association des étudiants musulmans nord-africains.
En Algérie même comme dans les universités françaises -principalement Paris, Montpellier, Toulouse-, le syndicalisme estudiantin algérien était fortement marqué politiquement par l'ordre des allégeances et les assemblées générales devaient souvent trancher entre les listes ou les alliances du MTLD, de l'UDMA, du PCA ou des Oulémas.
A Paris,l'historique bataille du «M» - pour musulman- devait consacrer, la veille de l'insurrection une fracture,lourde de portée, qui engageait aussi, au-delà même du cadre syndical, des conceptions opposées de la nation algérienne.
C'est sous la houlette de Belaid Abdesselem, ancien membre du comité central du Mtld et figure tutélaire du syndicalisme estudiantin, et sous le signe d'une coalition Mtld, Udma, Oulémas, que naît, en juillet 1955, l'Ugema dont la présidence allait être assurée par Ahmed Taleb, étudiant en médecine, fils de cheikh El Brahimi et ancien animateur du journal Le jeune musulman.
A Alger, le bureau de la section Ugema était totalement sous le contrôle des étudiants militant dans les rangs du Mtld et dont certains, à l'image du président de section Mohamed-Seddik Benyahia, avaient déjà rejoint le FLN et ne devaient pas tarder à subir les effets de la politique de répression des autorités avec l'arrestation de quatre de ses membres.
C'est même cette répression qui est au principe de la mobilisation accrue des étudiants algériens qu'alertent les nouvelles d'arrestations de camarades quand ce n'est pas d'assassinats comme ce fut le cas du Dr Benzerdjeb à Tlemcen ou du dramaturge Redha Houhou à Constantine.
Un mois de mai particulier
Le 6 mai, Mohamed-Larbi Ben M'hidi, de retour du Caire où il avait pris part aux travaux de la commission militaire de la délégation extérieure, rejoint Alger, dont la présence allait faire de la capitale de la colonie un puissant centre de rayonnement de l'action du FLN.
Les 12 et 13 du mois, à Constantine, des milices juives armées et soutenues par des éléments des unités territoriales, attaquent les populations musulmanes de la médina faisant, selon une estimation, plus d'une centaine de morts au moment où s'intensifiaient les actions du Front dans la ville.
Le 18 mai, à Djerrah, dans la région de Palestro, les hommes du commando Ali Khodja montent une audacieuse opération provoquant des pertes importantes dans les rangs de l'armée française suscitant une émotion sans précédent en France.
«Il y a un avant et un après-Palestro», soutient l'historien Benjamin Stora qui souligne que «la réalité de la guerre s'imposait aux Français».
La veille, au cercle Saâdane de l'Udma, à Alger, se tenait la première assemblée générale des étudiants convoquée à se prononcer sur le principe d'une grève des cours.
Qui décide de la grève?
Cette assemblée générale n'aboutit pas, notamment en raison du fait, note Salah Benkobbi, l'un de ses organisateurs, que «la plupart des étudiants ignoraient que l'initiative venait du FLN» (1). L'auteur soutient dans son témoignage que «le principe de son déclenchement avait été arrêté au mois de février par Abane, Ben M'hidi, Benkhedda avec la participation active des frères Benyahia et Amara» (2).
Sans doute faut-il rappeler, à cet égard, le précédent de la création, en février précisément, du syndicat Usta (Union syndicale des travailleurs algériens) par le MNA et qui avait conduit Abane à battre en urgence le rappel de Aïssat Idir et de la mise en avant de l'exigence de la mobilisation des travailleurs dans le cadre du Front?
Dans le même mouvement, on le sait, le FLN structure, sous l'autorité de Mohamed Lebdjaoui, les commerçants et il y a bien ici à l'oeuvre une stratégie de lutte pour le contrôle des divers secteurs de l'opinion et Salah Benkobbi relève alors que «la révolution ne pouvait négliger les étudiants qu'elle avait pris soin de doter d'une union nationale, l'Ugema» (3).
La veille du lancement de la grève, une part au moins des cadres de l'Ugema avait déjà rejoint les rangs du FLN et c'était le cas de Mohamed-Seddik Benyahia, président de la section d'Alger, missionné par Abane auprès du congrès de l'Ugema tenu à Paris en mars. Le message d'Alger portait sur une plus franche prise de position de l'organisation en faveur du FLN et du combat pour l'indépendance.
Au terme de ce même congrès, Ahmed Taleb, quitte la présidence de l'Ugema pour rejoindre la Fédération de France du FLN. S'il ne se prononce pas dans ses Mémoires (3) sur l'appel du 19 mai à la grève, il ne manque pas, dans l'entretien qu'il accorde à Clément Moore (4), de dire sa conviction: «Incontestablement, le patron du FLN était Abane. L'idée de la grève venait de lui. Pour lui, il fallait couper les ponts avec la France puisque les négociations n'étaient pas sérieuses.» (4)
Dans ce même entretien, le premier président de l'Ugema estime aussi que la décision du recours à la grève datait sans doute de février.
Le lancement de la grève
C'est avec un notable renfort de jeunes lycéens que les promoteurs du mot d'ordre de grève se retrouvent en assemblée générale à La Robertsau et font adopter à la quasi-unanimité des présents l'appel à l'arrêt des cours et à rejoindre les maquis.
L'initiative de la section d'Alger de l'Ugema fait la une des titres de la presse française et surtout prend de court le comité exécutif qui n'avait pu être informé en temps opportun de la décision qui mande alors Belaïd Abdesselem à se rendre à Alger aux fins de clarification. «Je suis allé à Alger car je voulais savoir s'il s'agissait d'une initiative de la section d'Alger ou si cela venait du FLN.» (5)
Il y rencontre des étudiants et principalement Benkhedda qui l'informe des objectifs du mouvement et il est convenu que le mot d'ordre serait élargi, sous l'autorité du comité exécutif de l'Ugema, aux étudiants inscrits dans les universités françaises.
«Seule la grève illimitée fut étendue à tous les étudiants musulmans algériens des universités de France, du Maroc et de Tunisie» (6), signale l'historien Guy Pervillé qui relève par ailleurs que «Le comité exécutif de l'Ugema ne pouvait reprendre à son compte l'appel au maquis sans entrer dans l'illégalité comme la section d'Alger.»(6).
Dans son témoignage, Salah Benkobbi revient sur les conditions d'élaboration, de fabrication et de diffusion de l'appel du 19 mai. «Le frère Lamine Khène se chargea seul de sa rédaction. Il m'en remit copie le soir après dîner.» (7)
L'impression du tract se fera le lendemain dans les ateliers du FLN.
«Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleur cadavre» (8), assure avec force l'appel qui convoque le climat de répression qui touche en particulier les élites intellectuelles. Sur fond d'incertitudes et d'interrogations, notamment en France, l'appel est significativement suivi, particulièrement dans les lycées et collèges.
S'ils furent nombreux à rejoindre effectivement les maquis en Algérie, avec des destins contrastés pour le moins, les étudiants et lycéens grévistes formeront, notamment au Maroc, l'armature de ce qui allait devenir, sous l'autorité de Abdelhafid Boussouf, le Malg.
Ils furent aussi l'une des premières cibles de la tragique «bleuite», comme ce fut le cas du jeune réalisateur Ali Djennaoui, monté au maquis de la Wilaya III historique avec un groupe de techniciens et qui subit un injuste châtiment.
Quels impacts?
Belaïd Abdesselem, réservé sur le mouvement de grève et singulièrement sur l'appel à rejoindre le maquis, s'attachera à en lever l'hypothèque alors que des cadres du Front, à l'image de Mohamed Harbi, disent sans ambages leur opposition à l'initiative.
«A la base de cette initiative, il y avait le refus radical de coopérer avec la société coloniale et la volonté de paralyser le pays. Cette perspective me semblait aventureuse, d'une part parce qu'elle faisait totalement abstraction de la situation sociale des classes urbaines qui, compte tenu de leurs conditions d'action et de résistance ne pouvaient tenir aussi longtemps que les ruraux et d'autre part parce qu'elle reposait sur l'espoir d'une solution à court terme. (..) L'initiative de cette grève était contraire à l'intérêt national, mais cela n'effrayait pas nos dirigeants» (8), conclut Harbi.
En France, l'appel à la grève relayé par le comité exécutif de l'Ugema trouble aussi les dirigeants du principal syndicat estudiantin, l'Unef, qui prend dans un premier temps ses distances avant de lui donner acte de la modération de ses positions.
Il est dès lors notable que Lamine Khène, auteur de l'appel à la grève du 19 mai 1956, soit l'un des rares à contester la paternité du FLN dans le mouvement. «Ce sont les étudiants d'Alger qui, sous le coup d'une situation très particulière, ont décidé de la grève sans avertir personne. Le FLN a appris la chose et l'a intégrée» (9), affirme-t-il en réponse, en particulier à l'ouvrage de Salah Benkobbi.
Aujourd'hui encore, il est difficile d'établir un véritable bilan du mouvement lancé le 19 mai par la section d'Alger. Etait-il possible d'évaluer le taux de suivi de la grève même si dans l'ensemble les principaux acteurs s'accordent sur le fait d'un réel succès, y compris en France, du mouvement.
L'amélioration qualitative de l'encadrement de l'ALN attendu du renfort des lettrés a-t-il été effectivement acquis? Hors de rares témoignages et en l'absence de travaux documentés sur l'ALN, il est difficile de mesurer l'impact de la grève de 1956 sur le cours de la guerre à l'exception déjà signalée du Malg.
Au-delà des réserves des uns ou des engagements des autres, le destin de la grève, en principe illimitée, aura tôt occupé les dirigeants de l'Ugema. Son comité directeur s'en ouvre au FLN en appelant l'attention sur la difficile situation des étudiants.
«Le FLN, témoigne Choeib Taleb, membre du comité directeur, nous a répondu qu'il nous fallait prendre la décision que nous voulions. Le comité directeur s'est réuni à nouveau, au bout de deux ans, pour prendre la décision de la levée de la grève.»
Qui fut effective à la rentrée universitaire d'octobre 1957.
Le GPRA lancera, par la suite, une importante opération d'octroi de bourses au bénéfice des étudiants algériens, souvent avec le soutien de pays amis. L'Ugema, en crise, se voit substituer les sections universitaires du FLN alors que là où ils se trouvent ne savent encore pas être aspirés par les luttes de pouvoir de l'après-indépendance.
1.Benkobbi (Salih): «Une époque pas comme les autres», ANEP, Alger, 2002
2.Benkobbi (Salih): Op cité
3.Ibidem
4Taleb (Ahmed) in Moore (Clement): «UGEMA. 1955-1962», Casbah Editions, Alger, 2010
5.Belaïd (Abdesselem) in Moore (Clement) Op cité
6.Pervillé (Guy): «Les étudiants algériens des universités françaises», Casbah Editions, Alger, 1997
7.Benkobbi (Salih) Op cité
8.Harbi (Mohamed): «Une vie debout», Casbah Editions, Alger, 2001
9.Khène (Lamine) in Moore (Clement) Op cité
10.Taleb (Choeib) in Moore (Clement) Op cité


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