Au lendemain des attentats du 11 septembre, le président George W. Bush avait prédit une guerre totale contre le terrorisme et les réseaux qui lui assurent finances, soutien, hospitalité et propagande. Les services de renseignements occidentaux, qui disposent d'informations précieuses concernant les réseaux d'Al-Qaîda et les individus qui gravitent autour de cette nébuleuse, partant de considérations propres, se montraient réticents à toute idée d'échanges. Londres est passé maître en la matière en faisant bénéficier les réseaux islamistes d'un asile territorial et d'une impunité qui leur permettaient d'agir à visage découvert. Mieux encore, même les demandes d'extradition d'auteurs présumés d'attentats terroristes butèrent sur une machine judiciaire fonctionnant selon un modèle spécifique. Rachid Ramda, soupçonné d'être le financier des groupes du GIA en France, a pu, jusque-là, échapper à la justice française en bénéficiant de cette spécificité de système judiciaire britannique. Certaines sources occidentales n'hésitent pas à dire que Kamareddine Kherbane, arrêté au Maroc au lendemain des attentats du WTC, aurait été libéré à la suite de l'intervention d'un haut responsable de Sa Majesté. Le jeu trouble de la Grande-Bretagne, qui mobilise ses troupes pour la coalition en guerre contre les réseaux de Ben Laden et qui assure gîte couverts et protection aux islamistes, a irrité les USA qui ont exigé de Londres plus de fermeté dans la guerre contre le terrorisme islamiste. Il y a quelques jours, le gouvernement britannique est sorti de sa réserve pour tenter de cerner les contours de la nébuleuse qui a fait des mosquées de Londres un centre de recrutement et d'embrigadement de jeunes recrues pour alimenter les réseaux terroristes à travers le monde et de financement des opérations d'achat d'armes et de différents équipements. La première mesure a été de dresser une liste comportant une vingtaine de personnes et d'associations soupçonnées d'avoir des accointances avec Ben Laden et le terrorisme islamiste. Outre les figures de proue de la propagande islamiste connues, comme Abou Hamza el-Masri, Abou Quotada, ou le Syrien devenu sujet de Sa Majesté Omar Bakri, les noms de Kamreddine Kherbane et Boudjemaâ Aras y figurent. Cette liste renferme, selon ses initiateurs, des individus convaincus d'activisme islamiste et ayant, un jour ou l'autre, servi de relais aux groupes de Ben Laden. Kamareddine Kherbane est, depuis son exil en 1993, sous l'étroite surveillance des services de Sa Majesté. Après une visite au Maroc où il aurait rencontré Ben Laden, Scotland Yard aurait eu la preuve de son activisme, mais ne l'a pas arrêté. Pourquoi? On dit que Ben Laden, qui aurait rencontré plusieurs chefs de groupes islamistes armés, n'avait pas caché son hostilité aux idées de djihad défendues par Kherbane et pratiquées à coups de massacre par le GIA en Algérie. L'épisode des attentats en France en 1995 avait donné des preuves supplémentaires aux services de renseignements de Sa Majesté, pour arrêter Kherbane qui ne fut nullement inquiété. Certaines sources occidentales n'hésitent pas à établir une relation entre le dernier voyage au Maroc de Kherbane et le démantèlement d'un groupe de Gspc à Madrid au mois d'octobre dernier. Il aurait tenté de sonner la mobilisation de nouvelles troupes, pas encore connues des services de renseignements pour mettre à exécution les menaces de Ben Laden. Son entreprise aurait échoué puisque en passant par Gibraltar il avait attiré l'attention de Scotland Yard et en pénétrant dans le territoire marocain pour y rencontrer les émissaires des groupes salafistes dormants dans différents pays européens, il avait donné l'occasion aux services de renseignements espagnols, français et anglais d'agir et d'opérer de vastes coups de filets dans les milieux islamistes. Boudjemaâ Anas est connu pour avoir rencontré, à plusieurs reprises, Ben Laden et pour avoir participé, maintes fois, à des congrès de l'internationale intégriste. Son passage a été signalé au Yémen, en Afghanistan, au Soudan, en Tchétchénie et même aux USA où il aurait pris part à un congrès qui avait réuni, quelques mois avant le premier attentat contre le WTC, plusieurs guides spirituels des djihadistes et certains financiers du terrorisme islamiste. Omar Bakri est connu pour son projet de khilafa islamique en Grande-Bretagne. Il ne s'est pas empêché, à plusieurs reprises, de défendre cette idée et de déclarer qu'il promettait une fin exemplaire aux déviants et aux homosexuels en collant aux discours moralisateurs prônés par les ultraconservateurs londoniens. La traque menée ces derniers jours contre les réseaux d'Al-Qaîda à Londres laisse présager la fin de la retraite dorée des «lords» du jihad. Mais une question que ne se sont pas privés de poser certains analystes occidentaux résume, à elle seule, l'embarras dans lequel pouvait se mettre le gouvernement de Tony Blair s'il n'avait pas décidé d'agir: jusqu'où ira Londres?