Un village attaché aux traditions séculaires Vendredi dernier, à un peu plus de vingt-quatre heures de la visite officielle du Premier ministre Abdelmalek Sellal, une effervescence particulière règne dans tout le village Agouni Ahmed (commune d'Ath Yanni). Des dizaines de jeunes participent activement, en dépit d'une chaleur torride, à un grand volontariat pour que la localité soit prête à accueillir la forte délégation du haut responsable de l'Etat. D'ailleurs, pour rejoindre Agouni Ahmed, il faut particulièrement faire un détour car la route habituelle est en pleins travaux de bitumage. Les citoyens d'Agouni Ahmed attendent cette visite avec impatience pour exprimer leurs doléances aux responsables, mais aussi et surtout parce que le Premier ministre procèdera à l'inauguration du projet d'alimentation de gaz de ville, explique Hamid Mezzar; président de l'association humanitaire Relais et Solidarité. «Notre région a besoin d'un plan de développement économique spécifique», ajoute Hamid Mezzar. Un véritable soulagement est exprimé par l'ensemble des citoyens du village qui, il y a à peine quelques années, était complètement isolé. Aujourd'hui, Agouni Ahmed est connecté continuellement au reste du monde grâce au réseau Internet qui est désormais disponible 24 heures sur 24. «Nous disposons également du téléphone fixe. Tout le réseau a été refait et actuellement, il n'y a plus de coupures», enchaîne pour sa part Mouloud Mehareb, président de l'association Azar, l'une des plus anciennes d'Algérie, créée en 1991. Malgré le peu de moyens financiers dont elle dispose, excepté les aides octroyées par des mécènes locaux qui insistent pour garder l'anonymat, cette association active beaucoup, notamment en organisant annuellement des soirées théâtrales en hommage aux regrettés Nazim Metref et Lahlou Mechouet, anciens membres de l'association. L'association Asirem initie aussi des cérémonies de fin d'année pour récompenser les lauréats des examens scolaires notamment le baccalauréat. A Agouni Ahmed, la vie en communauté est chose sacrée. Ceux qui y sont restés pour vivre même du temps où il n' y avait aucune commodité, ont fait ce choix pour demeurer dans ce bain de vie villageoise, avec la place de «tajmaât», toujours fréquentée par les villageois. Quand on met les pieds sur la place du village dite «tajmaât», on pense directement aux romans de Mouloud Feraoun, et surtout en lisant des vers de Tahar Djaout gravés sur les murs de cette bâtisse, témoin des temps depuis le 31 août 1931. «Tajmaât» d'Agouni Ahmed est située à moins d'une dizaine de mètres de la maison familiale du mythique joueur de la JSK (Jeunesse sportive de Kabylie), Hakim Meddane. Agouni Ahmed est aussi le village natal du journaliste-écrivain Arezki Metref dont la maison familiale est sise également juste à côté. Le village a été aussi le berceau d'un autre écrivain qui est l'oncle paternel d'Arezki, Maâmar Metref, père de Hacène Metref; l'organisateur principal des fameuses «Racont'Arts». Ce qui retient l'attention à Agouni Ahmed, c'est cette fidélité indéfectible à rester attaché, quoi qu'il en soit, aux traditions séculaires de la société kabyle. En plus de «tajmaât» et des différents endroits du village, où on s'assoit pour échanger des idées comme au bon vieux temps, le village abrite chaque week-end une waâda et c'est tout le monde qui y prend part. Si, dans la majorité des autres régions, les gens ne se contactent que quand ils ont affaire, ici, tout le charme de la vie se résume à ces rencontres conviviales quotidiennes et désintéressées. C'est d'ailleurs l'une des raisons principales qui ont fait que Mourad Mechouat, un quadragénaire, préfère rester vivre ici en dépit du fait que de nombreux autres membres de son hameau ont choisi de partir car la vie d'antan ne semble plus les inspirer. Mais il faut reconnaître qu'à l'époque où des centaines de familles d'Agouni Ahmed ont quitté le village, ce dernier était dépourvu de toute commodité. Si, actuellement le gaz de ville alimente tous les foyers, avant, chaque hiver était synonyme de calvaire, surtout que l'hiver dans la région est rigoureux et que les pénuries de gaz butane étaient monnaie courante. Notre interlocuteur et d'autres citoyens préfèrent faire la navette quotidienne vers leurs lieux de travail pour garder leur âme enracinée à Agouni Ahmed. La visite d'Abdemalek Sellal tombe à point nommé, selon les citoyens interrogés, afin disent ces derniers, d'interpeller le Premier ministre pour voir comment permettre à la région de créer des richesses, notamment dans le domaine touristique car ce village, situé au pied du majestueux Djurdjura est un véritable paradis de la nature. Cette dernière a en effet gâté Agouni Ahmed à tel point qu'une visite professionnelle se transforme vite en une promenade agréable où le stress habituel du métier de journaliste n'a aucune place ici. Au point où on se demande comment on peut quitter ce havre de paix et cet îlot de verdure à perte de vue et d'air pur pour aller vivre dans le brouhaha des grandes villes. En tout cas, vivre à Agouni Ahmed permet non seulement d'écouler des jours heureux, mais aussi et surtout de vivre en bonne santé et de vivre très longtemps. C'est le cas de Nna Fetta, qui a actuellement 107 ans et à laquelle les animateurs de l'association Azar ont rendu un vibrant hommage récemment en sa qualité de doyenne du village. Un village ancestral qui sort aujourd'hui de l'anonymat grâce à la visite officielle du Premier ministre Abdelmalek Sellal.