Même en Bourse, la disparition du plus discret des Beatles n'est pas passée inaperçue. George Harrison est mort jeudi dernier à Los Angeles des suites d'un cancer. La nouvelle a suscité un nombre impressionnant de réactions émanant des sources les plus inattendues. Par on ne sait quel « miracle », des déballages sur l'injustice dont a été victime le Beatle «zen» au sein de son «band» ont ressurgi dans la presse ; des regroupements spontanés se multiplient, comme celui du Central Park à New-York où des fans se sont réunis pour un concert improvisé ; le montant de sa fortune personnelle a d'ores et déjà été divulgué ; le match de mercredi, entre l'AS-Rome et Liverpool débutera sur les tubes des Beatles ; le Bangladesh est à deux doigts de décréter le deuil national ; à la Bourse de Londres, les actions de la maison d'édition, EMI records, détentrice des droits de diffusion de la formation ont connu une petite hausse de valeur après l'annonce de la mort du guitariste. Au début des années 60, quatre jeunes inconnus originaires d'Angleterre font subitement leur apparition sur le devant de la scène musicale. Paul McCartney, Ringo Starr, George Harrison et John Lennon, quatre petits gars de Liverpool, aux coiffures pas très appréciées par les grands-mamans, vont envahir le monde, créant, à l'occasion de concerts, à très forte affluence féminine, un engouement et des scènes d'hystérie phénoménales. Loin de l'image que renvoyaient les autres membres du groupe, George Harrison, effacé et discret, ne faisait que suivre. Après sa mort, ses proches témoignent de la grande pression dont il a été victime pendant les années de gloire. A cette époque, les deux figures emblématiques de la formation, John Lennon et Paul McCartney, talentueux auteurs et compositeurs, imposaient leur touche et concédaient rarement qu'un autre puisse se faire entendre. While my guitar gently weeps, I need you , You like me too much, Here come the sun, et Something, signées par George Harrison, faisaient partie de ces exceptions et attestent du talent du guitariste à la composition. Mais ces apparitions ne suffiront pas à le consacrer. George Harrison était le plus jeune du groupe et dut attendre jusqu'à la dissolution des Beatles en 1970 pour travailler sa musique ; il avait alors pas plus de 27 ans. L'expérience en solo ne fut pas des plus reluisantes et les douze albums, qu'il a enfantés, sont passés inaperçus dans les charts, chose qui ne l'a pas trop affecté. Harrison était surtout connu pour ses penchants musicaux nés de ses voyages en Inde et dans d'autres parties de l'Asie. Il fut par exemple l'un des premiers à avoir introduit des instruments asiatiques dans la musique occidentale. L'esprit mystique de cette contrée, dont il s'est imprégné jusqu'à sa mort, l'a aidé à affronter les tensions au sein des Beatles et ensuite à se constituer une identité musicale pour sa carrière solo. Mais l'épisode le plus remarquable de la vie de l'artiste a été sans doute sa rencontre orageuse avec un autre monstre de la musique londonienne. Eric Clapton, guitariste respecté et très apprécié, n'a rien trouvé de mieux à faire que d'aller lorgner du côté du lit de notre jeune Harrison. Et là, il y avait de quoi se brûler les yeux et le coeur. George Harrison avait pour femme Pattie Boyd, un sex-symbol qui n'en pouvait plus de la vie de fakir qu'avait choisie son mari. Eric Clapton sautera sur l'occasion, se brûlera les ailes, et passera par la suite de longues années à essayer de comprendre ce qui lui était arrivé, entre deux lignes de poudre et deux tasses de Daniel's. George Harrison se séparera de Pattie pour Olivia, avec laquelle il eut un enfant, aujourd'hui âgé de 24 ans et il attendra la fin des années 90 pour resserrer la main au «Slowhand». George Harrison s'est, plus qu'autre chose, illustré par ses actions humanitaires. Le Bangladesh, par exemple, compte cet artiste parmi les artisans de son indépendance. En 1971, l'année de l'indépendance de ce pays, une manifestation initiée par Harrison avec la participation du musicien indien Ravi Shankar, à partir de Madison Square Garden, avait rapporté neuf millions de dollars. Un concert qui a aidé à mobiliser l'opinion internationale en faveur du Bengladesh. Le musée de guerre de Dacca prévoit d'ailleurs l'organisation mercredi prochain d'un concert commémoratif à sa mémoire. Même si le montant de sa fortune est désormais connu, 120 millions de livres, personne n'est encore en mesure de dire ce qu'il en adviendra. L'artiste avait pour habitude de subventionner des associations caritatives et il est possible qu'il leur en fasse don. Pour toutes ces raisons, et sûrement pour beaucoup d'autres, le mystique Beatle doit être le plus apprécié du groupe, et là où il est, il doit avoir chaud au coeur.