Les comités de village ou Tajmâath s'étaient vite retrouvés au centre d'une polémique qui a failli les anéantir totalement. Le lancement de la campagne de récolte des olives a été un témoin annonciateur d'une véritable réhabilitation des comités de village malmenés, faut-il le rappeler, ces dernières années. Les récentes intempéries, que d'aucuns ne pensaient pas de cette ampleur, n'ont fait que confirmer ce nouvel état d'esprit, caractérisé par le retour de la solidarité et l'entraide entre les citoyens, soit les valeurs ancestrales, qui ont toujours fait la fierté des populations montagnardes. Il fallait être là pour constater de visu comment des centaines de villageois isolés par la neige, se démènent comme un seul homme pour faire face à une situation angoissante marquée par un isolement total sur tous les plans. Des scènes qui ont disparues des moeurs villageoises pour diverses raisons, reviennent pour le plus grand bonheur des populations qui retrouvent ainsi leurs villages tels qu'ils les connaissaient par le passé. S'étant mobilisés comme il fallait pour éviter davantage d'effusion de sang au tout début des évènements de Kabylie, les comités de village ou Tajmâath s'étaient vite retrouvés au centre d'une polémique qui a failli les anéantir totalement. Cette structure traditionnelle s'est vue, malgré elle, devenir le fer de lance des politiques, et par conséquent, subir de plein fouet la division. A côté de cela il faut ajouter entre autres raisons, le niveau de vie du citoyen. L'évolution constatée ces dernières années a fait naître chez certains un sentiment d'égoïsme qui a fini par les éloigner des autres. Entre les pauvres et les riches le fossé s'est élargi instaurant un climat de méfiance et de suspicion. L'aisance financière s'est soldée vite par une indifférence qui n'avait point d'existence dans les esprits de villageois kabyles, élevés dans la pure tradition et surtout en mesure de faire face aux aléas de la vie de tous les jours dans les rudes montagnes où ils habitent. Mais plus que tout, le politique aura été le plus dévastateur pour ces structures traditionnelles. La nouvelle donne politique qu'avait induite la participation du Front des forces socialistes aux joutes électorales des locales allait vite susciter des interrogations et inquiétudes au sein de la société kabyle. Et pour cause! Les structures traditionnelles Tajmâath étaient alors menacées dans leur cohésion et dans leur existence même. Le consensus autour du rejet du scrutin n'ayant pas été de mise au sein de la population, la position à adopter le jour de l'élection se posait alors avec acuité dans l'ensemble des villages de la Kabylie. Les politiciens qui n'ont de cesse d'affirmer que les comités de village ne s'immiscent pas dans des affaires politiques et religieuses, versaient alors exactement dans le contraire en tentant à travers leurs militants d'influencer dans l'optique d'amener les électeurs à opter pour l'une ou l'autre des positions. Pendant que certains voulaient imposer le rejet à travers les comités de village pour faire paraître le caractère consensuel de l'option, d'autres voulaient tout à fait le contraire, c'est-à-dire une participation. Entre les deux, des jeunes et des moins jeunes, soucieux du devenir du comité de village, avaient lutté de toutes leurs forces pour sauvegarder la neutralité de ces comités soumis à diverses pressions préjudiciables. Animés par le souci de préserver la cohésion du village, des citoyens s'étaient mobilisés pour contrer les politiciens de tout bord. Dans leurs tentatives de les soustraire à cette «guerre politicienne», ils s'étaient attirés la foudre des partis politiques, mais leur courage et leur dévouement avaient permis à certains villages d'opter pour la neutralité. Il reste que nombre de villages ont connu depuis d'énormes difficultés pour se restructurer. Aujourd'hui, les divisions semblent avoir cédé à la volonté de réhabilitation. Des démonstrations, il y en avait ces derniers jours dans les villages de Kabylie. Manifestement, on est tenté de croire à présent que ces structures ont repris vie. Elles renaissent ainsi de leurs cendres.