Juppé dénonce «l'exceptionnelle gravité de la situation», accusant le gouvernement d'avoir perdu le contrôle des évènements. L'émotion soulevée par le double meurtre de Magnanville, dans les Yvelines, en grande banlieue parisienne, n'est pas encore retombée et le Premier ministre Manuel Valls a dû monter au créneau pour répliquer aux nombreuses critiques émanant de l'opposition qui accuse le gouvernement d'avoir «manqué de discernement» et de mener une action catastrophique dans son ensemble. Suppléant aux défaillances des responsables directs en la matière, Valls a tenté de défendre la politique du renseignement et de l'antiterrorisme en France, dans un contexte dramatisé par l'assassinat d'un policier et de sa compagne lundi dernier. Ecartant les accusations de «négligence» et de «manque de discernement», il a balayé les revendications de la droite, notamment les Républicains, qui réclament la création de centres de rétention (internement) pour les personnes radicalisées ou supposées telles, quand bien même elles ne seraient pas déjà condamnées, mais simplement jugées dangereuses par les services de l'antiterrorisme. Plaidant la fermeté et la constance dans une démarche républicaine, le Premier ministre français a martelé qu' «il faut poursuivre ce travail, resserrer les mailles du filet, continuer à donner tous les moyens à la police, à la gendarmerie et aux services de renseignements» parce que la France «connaîtra de nouveau des attaques». Ces propos s'ajoutent à ceux du garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, qui a réaffirmé hier matin qu' en France, la justice ne jugeait pas ' les intentions ' mais 'les faits', une manière de clore le débat sur la question des centres de rétention réclamés par la droite. Interrogé sur France Info après le double meurtre d'un policier et de sa compagne par un individu radicalisé, lundi dernier, crime revendiqué par le groupe Etat islamique, le ministre de la Justice a appelé au «sang-froid», considérant que «la vie politique soit une rixe entre capitaines Fracasse». Il répondait ainsi au député LR Eric Ciotti qui a exigé la mise en place des «centres de rétention» pour plus de 10 000 personnes fichées «S», c'est-à-dire pouvant porter atteinte à la sécurité du pays par leur radicalisation.En guise d'argument, Jean-Jacques Urvoas a rappelé que la mise sur écoutes du tueur, Laroussi Abballa, depuis février dernier n'avait pas livré, selon le procureur, le moindre indice quant à la préparation d'un tel crime. Il a également souligné qu'en décembre 2015, la question des centres d'internement avait été tranchée par le Conseil d'Etat qui avait jugé que sa mise en application exigeait au préalable la modification de la Constitution. Mardi, les manifestations contre la loi «travail» d'El Khomri ont une fois de plus dérapé, des dégâts considérables ainsi que des incidents notoires ayant émaillé le parcours des cortèges bousculés par les casseurs. Ceux-ci n'ont pas hésité à briser les vitres de l'hôpital Necker, spécialisé dans l'enfance, et à saccager des magasins, portant un préjudice aux revendications des manifestants et de leur organisation syndicale, la CGT. «Pendant ces attaques, il y avait des enfants qui étaient opérés et des équipes soignantes au travail, sous les bruits et les menaces des projectiles», s'est indigné le directeur des Hôpitaux de Paris Martin Hirsch. C'est dans ce même hôpital qu'a été accueilli l'enfant de 3 ans du policier et de sa compagne assassinés au nom de l'organisation Etat islamique.Réagissant à ces dépassements, Valls a critiqué l' «attitude ambiguë» de la CGT vis-à-vis des casseurs, menaçant d'interdire toute manifestation dans la capitale. Le gouvernement «prendra ses responsabilités» face à des casseurs qui «voulaient sans doute tuer des policiers». Quant aux ténors de l'opposition, Alain Juppé en tête, ils tentent de profiter de la conjoncture. Juppé a estimé hier que la situation devient intenable et que «ça ne peut plus continuer comme ça». Il est, dit-il, «urgent de rétablir l'ordre et l'autorité», et de se donner «les moyens sérieux pour lutter contre le terrorisme». Avec plusieurs autres candidats à la primaire LR, il plaide pour une aggravation forte des peines contre la radicalisation et dénonce «l'exceptionnelle gravité de la situation» en France, accusant le gouvernement d'avoir perdu le contrôle des évènements. Ainsi, la montée des tensions se conjugue avec la fièvre des échéances électorales pour lesquelles les partis de droite comme de gauche piaffent d'impatience, résolus à en découdre pour diverses raisons, le duel Juppé-Sarkozy ayant son pendant avec un bras de fer Parti socialiste contre les autres formations de gauche dont les Verts et le Parti communiste. L'année 2016 risque fort, dans cette ambiance, de finir aussi dramatiquement qu'elle a commencé.