Christiane Taubira a claqué la porte du gouvernement, hier matin, en remettant sa démission au président Hollande, quelques heures avant la présentation du projet de révision de la Constitution sur la déchéance de la nationalité pour les binationaux — qui divise la gauche — par Manuel Valls devant la commission des lois de l'Assemblée nationale. Dans un communiqué, l'Elysée explique que Christiane Taubira et François Hollande «ont convenu de la nécessité de mettre fin à ses fonctions au moment où le débat sur la révision constitutionnelle s'ouvre à l'Assemblée nationale, aujourd'hui, en commission des lois». «Le président de la République a exprimé à Christiane Taubira sa reconnaissance pour son action. Elle a mené avec conviction, détermination et talent la réforme de la justice et joué un rôle majeur dans l'adoption du mariage pour tous», poursuit le communiqué de l'Elysée. Jean-Jacques Urvoa, député PS et président de la commission des lois, spécialiste de sécurité et proche de Manuel Valls, succède à la garde des Sceaux. Christiane Taubira était en porte-à-faux avec le gouvernement, affichant son opposition au projet de déchéance de nationalité des binationaux voulu par François Hollande et Manuel Valls. Et c'est donc en toute cohérence, par rapport à ses convictions et aussi par rapport à la ligne du gouvernement, qu'elle quitte ses fonctions. Le départ de Christiane Taubira n'est en fait pas une surprise, la position de la garde des Sceaux n'étant plus tenable — sauf à se dédire et rentrer dans le rang, ce qui n'est pas dans son caractère — après sa déclaration à la Radio Chaîne 3, alors en visite à Alger. Une déclaration démentie par le président Hollande lui-même deux jours plus tard. Cette divergence de fond ne pouvait pas durer. Hier, c'est Jean-Jacques Urvoa qui devait être aux côtés de M. Valls pour présenter aux députés la dernière mouture du très controversé article 2, de la révision constitutionnelle sur la déchéance de nationalité pour les crimes terroristes. Un texte destiné à «respecter pleinement l'engagement du président de la République pris devant les Français» le 16 novembre, soit l'extension de la déchéance à tous les binationaux, et «faire en sorte que cette écriture, cet article 2, comme l'autre, rassemble le plus largement», alors que plus de 100 députés socialistes ont déjà annoncé leur intention de voter contre. Par ailleurs, le projet de révision de la Constitution «constitutionnalise» l'état d'urgence dans son article premier. Christiane Taubira était la bête noire de la droite qui la qualifiait de laxiste. Ainsi, Eric Ciotti, député et secrétaire général du parti Les Républicains, se réjouit de la démission de Christiane Taubira «qui doit marquer la fin de la dérive laxiste que connaît notre justice depuis 2012». Pour Florian Philippot, n°2 du FN, c'est «enfin ! Une très bonne nouvelle pour la France.» Au sein des frondeurs socialistes, qu'elle pourrait rejoindre, on salue avec «respect une femme de conviction». «Parfois résister, c'est rester. Parfois résister, c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique, au droit», a écrit, pour sa part, la garde des Sceaux dans un tweet.