Bombardé de toutes parts, l'islamisme est en plein dépérissement, mais ses adeptes tentent de faire leur mue afin d'échapper au maelström. L'échec des islamistes en Egypte et en Libye a jeté le discrédit sur la viabilité et la fiabilité de leur projet. De plus, la montée de l'islamisme violent dans plusieurs pays de la région Mena, les attentats sanglants perpétrés par Daesh dans plusieurs capitales a discrédité ce courant idéologique aux yeux des populations, y compris les musulmans qui y voient de plus en plus un mobile d'instabilité, voire d'insécurité. Ainsi, les partis islamistes qui se considéraient jusque-là comme étant les dépositaires de la souveraineté des sociétés où ils évoluent, se sont mis sur la défensive et déploient tout leur génie pour se prémunir de retombées de cette nouvelle configuration et pour se donner une nouvelle peau. Dans ce sillage, les islamistes algériens, notamment le MSP qui en est la plus grande représentation, n'ont pas raté le rendez-vous et se sont vite mis à se retisser une nouvelle identité politique qui en ferait des partis fréquentables et qu'il serait incorrect, voire injuste, de mettre dans le même sac que les mouvements islamistes prônant la violence. En effet, à peine la machine médiatique de diabolisation des islamistes mise en place, notamment après le fiasco des Frères musulmans en Egypte, le MSP et consorts sont retournés dans leur tanière, ont observé une halte avant de sortir avec une stratégie politique d'humanisation de leur image sans renier leur vision théocratique. Ainsi, tout en continuant à mener leur activité de promotion de leur vision islamiste du monde et de l'Algérie, les partis de cette mouvance se sont acoquinés avec les démocrates et les laïques, y compris les plus radicaux d'entre eux, notamment le RCD et Nidaâ El Watan, et ont participé à la mise en place de deux coordinations politiques avec eux, à savoir la Coordination pour les libertés et la transition démocratique et l'Instance de coordination et de suivi de l'opposition. Mus par l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes, ces partis ont même signé la plate-forme de Mazafran qui contient des revendications de respect des libertés individuelles et collectives, lesquelles revendications sont pourtant aux antipodes de l'idéologie islamiste.. Ce compagnonnage avec les démocrates, qui dure depuis plus d'un an et demi a eu l'effet d'un rempart fort efficace qui a épargné aux islamistes nombre d'attaques. En plus du fait d'avoir noyé les débats idéologiques dans la sauce de la transition démocratique, le fait que des images saisissantes d'islamistes assis à coté de laïques radicaux ont circulé durant plus d'un an dans les différents médias, a considérablement atténué l'hostilité que l'islamisme, tous segments confondus, aurait pu susciter dans une conjoncture mondiale marquée par une lutte sans merci contre l'islamisme, sa matrice idéologique et ses tentacules terrorisantes et terroristes. Par ailleurs, toujours pour sauver leur peau et maintenir leur image plus ou moins intacte au yeux de l'opinion publique nationale face à la débâcle qu'ils subissent, les islamistes se sont aussi départis de leur vision transnationale et panislamique au profit d'un programme local. En effet, en dehors de leur soutien inconditionnel à la cause palestinienne qu'ils réitèrent continuellement, ils n'évoquent plus leur vieux fantasme de «la oumma arabe et islamique». Bien au contraire, ils se définissent désormais comme étant des partis politiques algériens qui militent dans les seules limites souveraines de l'Algérie».» Le MSP n'est pas membre de la confrérie des Frères musulmans», a déclaré le président de ce parti, Abderrezak Makri, lors d'une de ses conférences de presse. De plus, d'une adhésion totale à une fusion Maghreb-Machrek, les partis islamistes se sont ravisés et ne parlent désormais, dans leur littérature géopolitique, que du Maghreb. «Le MSP réaffirme son engagement à encourager le rapprochement entre les pays du Maghreb arabe dans l'intérêt des peuples de la région», a-t-on écrit dans le communiqué qui a sanctionné la dernière réunion du madjliss echoura du MSP. Même chose pour les partis Ennahda et El Islah qui s'inscrivent dans la même perspective. Dans la foulée, ils se sont même improvisés légalistes en décidant, à l'unanimité, de participer aux prochaines échéances électorales, lâchant ainsi leurs collègues de l'opposition pour sauver ce qui reste de leur peau déjà maintes fois écorchée. Ces nouvelles donnes font penser que les islamistes algériens évoluent bien et s'adaptent avec intelligence aux mutations qui s'opèrent à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale, allant ainsi sur les traces du parti, islamiste Ennadha qui a entrepris une démarche de modernisation effrénée à la faveur de la révolution tunisienne. Mais les islamistes algériens iront-ils aussi loin que les islamistes tunisiens qui, eux, ont carrément décidé de séparer entre la religion et la politique lors du dernier congrès qu'ils ont tenu sous le patronage de leur chef spirituel, Rached Ghannouchi?