«Le secteur privé est sollicité» «La priorité sera aux films des jeunes avec des sommes qui varient entre 10 et 15 millions de dinars. On ne pourra plus compter complètement sur le budget du ministère», a fait savoir, hier, Azzedine Mihoubi quant à sa nouvelle politique culturelle pour les deux ans à venir. Faire le point sur les rumeurs qui circulent quant à l'éventuel arrêt des subventions au cinéma, également la nouvelle politique cinématographique pour la rentrée sans oublier le cas du film Ben M'hidi bloqué depuis sept mois pour diverses raisons, sont les quelques sujets qui ont été à l'ordre du jour, hier lors d'un point de presse animé par Azzedine Mihoubi ministre de la Culture et le réalisateur de Dix millions de centimes, Bachir Derrais, hier matin au Palais de la culture Moufdi Zakaria. «Il est temps de créer ce genre de rencontres pour ne plus laisser place à la rumeur et à la spéculation comme ce fut, récemment au Festival du film arabe d'Oran», dira d'emblée Bachir Derrais qui attestera que son film Ben M'hidi «une grosse machine, enclenchée il y a 5 ans, après de nombreux problèmes et d'instabilité sera bientôt fini» et de signaler qu'«il y a une volonté de faire ce film, à commencer, grâce au sponsors». S'adressant aux gens riches et aux milliardaires: «Il est temps qu'ils mettent la main à la poche car ce n'est rien pour eux. Le ministre de la Culture ne peut pas à lui seul tout financer» et de citer les cinq sponsors dont Mobilis et Air Algérie. Bachir Derrais fera remarquer: «On ne peut pas reprocher au ministère de la Culture de ne pas vouloir relancer le cinéma. Les problèmes sont ailleurs. Il y a une volonté aujourd'hui de relancer ce secteur. Aussi, si les salles de cinéma sont fermées, ce n'est pas de la faute des cinéastes. «Les problèmes doivent être réglés entre les professionnels et l'Etat», arguant aussi qu' «être producteur est un métier à part. On n' est pas aux USA.» fait-il savoir. Revenant sur les raisons qui l'ont poussé à tourner en Tunisie son film qui a atteint les 80% de fabrication, Bachir Derrais dira: « Notre film s'intéresse au parcours de Ben M'hidi et son enfance s'est déroulée à Biskra. On ne pouvait pas tourner dans Biskra d'aujourd'hui c'est impossible. A Tunis nous sommes partis tourner dans un studio où 300 décors de Biskra ont été reconstitués.».Côté argent, Bachir Derrais estimera que le budget de son film Ben M'hidi qui coûte 3 millions d'euros «n'est rien» comparé à Hors la loi de Rachid Bouchareb avec un budget de 22 millions d'euros ou encore Ce que le jour doit à la nuit qui a coûté 19 millions d'euros. «On a tendance à parler des budgets. On est là pour faire du bon boulot. On n'a pas le droit de décevoir et les sponsors et le public. Il y a des normes internationales avec lesquelles on doit travailler et qu'on doit respecter». Et de hausser le ton: «Je trouve scandaleux qu'il n'y ait que six sponsors et de plus, ce sont toutes des sociétés étatiques. Ce n'est pas normal! Je lance un appel au sponsoring. Il faut absolument investir dans la culture, surtout dans les moments de crise. La culture doit avoir une place de choix dans la société civile. Le privé doit soutenir.» Et d'annoncer: «Nous tenons un film correct qui sera prêt pour fêter le 60ème anniversaire de l'assassinat de Ben M'hidi. Je suis content que le film de Bouchouchi qui parle aussi de la révolution cartonne dans les festivals. Faites-nous confiance!» Et Belkacem Hadjadj, le réalisateur de Fatma N'soumer, de prendre la parole: «En période de crise c'est le moment où la culture doit jouer son rôle. C'est la soudure du peuple. Si elle est atteinte, il n'y a plus rien.» Et à l'adresse du ministre de la Culture il soulignera sentencieux: «Il faut faire des économies sauf en culture. L'Etat doit le comprendre. C'est bien de soutenir un match de foot, mais l'impact sur la société n'est pas le même. Les gens qui ont les moyens doivent comprendre l'importance de la culture.» Pour sa part Azzedine Mihoubi, après avoir eu une pensée de recueillement à la mémoire de Boualem Bessaieh, scénariste de Bouamama notamment, dira qu'il faut regarder de l'avant. A propos du film Ben Mhidi il fera remarquer: «Un seul film sur ce héros de la révolution ne suffit pas» et d'assurer son total soutien ainsi que celui du ministère des Moujahidine et même celui de la Défense pour venir à terme des problèmes que connaît ce film et de fournir les meilleures conditions pour son aboutissement. «Rassurez - vous, on est à vos côtés» et de rebondir sur ce qu'a dit Belkacem Hadjadj: «Oui c'est logique, car sans cela un film sera toujours taxé de film officiel et de propagandiste.A quand l'aide du privé?». Azzedine Mihoubi annoncera ainsi sa politique culturelle consternant le 7ème art qui se déclinera sur deux ans et qui se résume en quatre points. Le premier est relatif à la réhabilitation des structures culturelles et leurs nouvelles fonctions. Annonçant la fin de l'Aarc et sa fusion avec l'Oref, il fera remarquer qu'aujourd'hui seul le Cadc (Centre algérien pour le développement du cinéma) se chargera du cinéma et de la production, tout comme la cinémathèque et va fusionner avec le Cnca. Aussi, l'Onci sera associé au village des artistes et l'Opéra d' Alger regroupera en son sein à la fois l'Orchestre symphonique national, le Ballet national et le Groupe de musique andalouse. Le second point est relatif aux salles de cinéma dont le travail en deux ans consistera en leur récupération des mains des APC pour les réinjecter au privé et susciter ainsi l'émulation. 3ème point des plus importants est celui lié à l'aide financière. Contrairement à ce qui a été dit ici et là sur l'éventuel gel des subventions, M.Azzedine Mihoubi fera remarquer: «Fini les subventions à cent pour cent. La propriété sera aux films des jeunes avec des sommes qui varient entre 10 et 15 millions de dinars. On ne pourra plus compter complètement sur le budget du ministère de la Culture. La situation économique du pays nous impose de faire des sacrifices. Il n'y a pas d'ailleurs que le cinéma mais tout le reste du secteur culturel.» Et de relever: «On doit vivre comme dans le monde entier. Le public, le citoyen doit payer. Il a le droit d'exiger par la suite de la qualité. La culture c'est un droit, mais le public a le devoir de payer. La culture du ser-vice public a perdu de sa superbe. Quand c'est le privé qui met le ticket à 2000 DA on paye et quand c'est l'Etat on refuse... Il faut que les choses changent.» Enfin, Azzedine Mihoubi annoncera outre l'avènement prochain d'un studio de postproduction appartenant à Belkacem Hadjadj, la construction d'une ville ou studio de tournage dont l'Algérie se dotera bientôt sans rajouter plus de détails. Est -ce la faillite annoncée du secteur public? tout porte à le croire...