En Libye, la région tripolitaine à l'ouest et la Cyrénaïque à l'est se sont toujours regardées en chiens de faïence. Aujourd'hui, les autorités de l'Est refusent de reconnaître le gouvernement d'union basé à Tripoli. Alors que la bataille de Syrte tire à sa fin, le gouvernement libyen d'union nationale (GNA) tente de relancer les exportations de pétrole pour ranimer une économie à l'agonie, sans tenir compte des divisions qui minent un pays aux immenses réserves que certains menacent de torpiller. Cinq ans après la révolte de 2011, le secteur pétrolier libyen autrefois florissant est exsangue, affecté par les rivalités politiques internes et les attaques du groupe terroriste Etat islamique (EI). Si la Libye dispose des plus importantes réserves pétrolières d'Afrique -estimées à 48 milliards de barils-, elle reste paradoxalement le pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qui produit le moins. Entre 2010 et 2016, la production de brut a été divisée par cinq, passant d'environ 1,5 million de barils par jour à 300.000 b/j. Quant aux revenus pétroliers, ils ont fondu et devraient atteindre au maximum 4 milliards de dollars (3,6 milliards d'euros) en 2016, selon des sources du secteur pétrolier libyen. C'est dix fois moins qu'en 2010 où ils étaient évalués entre 45 et 50 milliards de dollars (40,4 à 44,8 milliards d'euros). Difficilement, de petites cargaisons de pétrole sont parvenues à sortir des ports libyens ces derniers mois. Une catastrophe dans un pays qui dépend principalement de cette ressource pour le budget de l'Etat. La plupart des terminaux pétroliers sur la Méditerranée sont bloqués depuis des années par la milice des Gardes des installations pétrolières (GIP) dirigée par Ibrahim Jadhran, un homme qui a régulièrement défié les différents pouvoirs libyens, qu'ils soient à Tripoli ou dans l'Est. «Ce blocus coûte 30 millions de dollars (26,7 millions d'euros) par jour à la Libye», avait alerté en avril Mustafa Sanallah, patron de la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC). Qui plus est, des attaques de l'EI ont porté un autre coup au secteur. Dans ce paysage désastreux, une lueur d'espoir est pourtant apparue fin juillet quand le gouvernement d'union nationale basé à Tripoli a trouvé un accord avec les Gardes du GIP pour rouvrir deux importants terminaux à Ras Lanouf et al-Sedra (650 kilomètres à l'est de Tripoli). D'une capacité respective de 200.000 et 500.000 barils par jour, ces installations ont certes été endommagées par l'EI. Pour arracher cet accord à la puissante milice des GIP qui contrôle le «Croissant pétrolier», le GNA a accepté d'accéder à ses demandes pour la construction d' écoles et d' hôpitaux ainsi que le paiement des salaires des Gardes. Le «Croissant pétrolier» s'étend le long d'une baie en forme de croissant entre les localités de Marsa el-Brega et Bin Jawad, dans le nord-est du pays, et regroupe les principaux ports pétroliers. Outre Ras Lanouf et al-Sedra, il comprend le terminal de Zueitina, fermé, et celui de Marsa el-Brega qui fonctionne sporadiquement. Dans la foulée de l'accord avec les GIP, la Compagnie nationale de pétrole a annoncé le 1er août se préparer à une reprise régulière des exportations de brut. «Rouvrir les ports permettra à la NOC d'amorcer les réparations mais ceci prendra du temps», a indiqué un expert sur le marché de l'énergie. Les plans du GNA risquent pourtant d'être contrecarrés par les autorités parallèles basées dans l'Est. En Libye, la région tripolitaine à l'Ouest et la Cyrénaïque à l'Est se sont toujours regardées en chiens de faïence. Aujourd'hui, les autorités de l'Est refusent de reconnaître le gouvernement d'union basé à Tripoli. Elles règnent sur leurs régions avec le soutien d'une partie de l'armée libyenne dirigée par le général Khalifa Haftar. Le 26 juillet, les forces du général Haftar ont menacé de «frapper» les tankers qui viendraient dans les ports libyens faire transaction avec le GNA. Ses soldats ont aussi fait mouvement vers le terminal pétrolier et gazier de Zueitina convoité par les autorités de l'Est. Mais les Gardes des installations se sont dits prêts «à combattre». «Nous ne leur permettrons pas de contrôler les ports», a déclaré al-Hassi, leur porte-parole. Inquiète du risque d'affrontement, la NOC basée à Tripoli a exhorté les deux parties à ne pas détruire les infrastructures d'un secteur vital pour la Libye. L'Allemagne, L'Espagne, les Etats-Unis, la France, l'Italie et le Royaume-Uni ont exigé que le contrôle de toutes les installations pétrolières revienne «sans réserve ni délai» au GNA. «La Libye ne pourra pas recommencer à exporter son pétrole tant que la sécurité ne sera pas rétablie avec un exécutif fort et une armée qui assure son autorité sur l'ensemble du territoire», estiment à juste raison de nombreux observateurs.