Sarkozy-Juppé: le combat est engagé Face à la «force tranquille» d'Alain Juppé, l'expression est osée mais juste, la parole offensive et volontiers choquante de Sarkozy peine à faire illusion. Hier, Alain Juppé a averti qu'il ne changerait pas de «ligne» face à ceux qui «se précipitent aux extrêmes» et qui confondent «autorité» et «agitation». Il visait clairement Nicolas Sarkozy, son principal concurrent de la primaire de la droite pour 2017, dont la dernière sortie en fanfare prônait le tout-sécuritaire et identitaire mais n' a pas convaincu grand -monde. «J'ai choisi une ligne dont je ne me séparerai pas: rassurer les Français, les rassembler pour réussir les réformes», a déclaré M.Juppé lors du «Grand rendez-vous» organisé par trois médias français. «L'autorité, ce n'est pas l'agitation», a asséné l'ancien Premier ministre pour répondre aux critiques sur sa «modération». «La modération, c'est pas facile. C'est extrêmement difficile de garder son sang-froid, de garder son équilibre et de proposer des solutions équilibrées. C'est extrêmement facile de se précipiter aux extrêmes, et c'est ce qui se passe aujourd'hui». «Se précipiter pour légiférer à tout propos et hors de propos pour céder à la pression médiatique, c'est ça, je crois qui condamne à l'échec, parce qu'il ne suffit pas de faire une loi pour résoudre un problème», a encore soutenu Alain Juppé à l'opposé de Nicolas Sarkozy qui demande au gouvernement Valls de légiférer contre le burkini. Dressant le constat d'une «France en souffrance économique, sociale, morale, politique», il plaide pour un discours d' espoir, en dépit des ironies autour de son slogan de campagne. Enfin, porté par la vague des sondages qui se suivent et se ressemblent, le donnant toujours en tête des intentions de vote pour la primaire des Républicains, en novembre, Juppé balaie les doutes des Français en promettant d' «annoncer la couleur avant, pas après l'élection (présidentielle)» et de «gouverner vraiment», sans penser à une réélection. En proclamant ne vouloir «faire qu'un mandat», il enfonce le clou par rapport à un rival qui reste obsédé par sa cote de popularité et entend, coûte que coûte, prendre sa revanche pour réintégrer l'Elysée. Talonné par Bruno Lemaire et François Fillon, l'ancien président a redoublé de férocité tant dans sa démarche que dans ses mots, histoire de convaincre davantage d'électeurs sur sa volonté de résoudre certains problèmes du pays. Avec le choix délibéré d'un verbe martial, Sarkozy s'en vient empiéter allègrement sur les terres du Front national, pour ramener dans le giron de la droite les brebis égarées durant la décennie. Vaste ambition, car il accroche certes Juppé dans les intentions de vote (34 contre 37%) mais il sait devoir faire le deuil du report de voix en faveur de Bruno Lemaire (17%) et surtout François Fillon (9%) qui s'en est pris hier à sa stratégie de braconnage au coeur de l'extrême droite. Deux hommes, deux styles opposés, deux morales aussi, sensiblement différentes. Face à la «force tranquille» d'Alain Juppé, l'expression est osée, mais juste, la parole offensive et volontiers choquante de Sarkozy peine à faire illusion. Sauveur de la droite? Celui qui se dit «à la retraite», puis seulement «en retrait», irrite beaucoup quand il s'en prend à Fillon et Copé, entre autres déserteurs, selon lui atteints «par la mouche tsé-tsé de la division». «Le navire était vide, il n'y avait même plus de navire», et lorsque l'UMP fut sauvée, les voilà tous revenus pour quémander une place et un poste, accuse-t-il d'un ton averti. De quoi donner des sueurs froides à beaucoup de monde, dans son entourage d'hier, mais aussi d'aujourd'hui. Se disant «réaliste» à l'opposé d'un Juppé rêveur, parce que candidat du rassemblement, l'idée forte de sa campagne. Ne promet-il pas le «chemin d'une identité heureuse» au point de provoquer le fou rire chez Sarkozy? Deux styles, deux hommes qui devront bientôt en découdre, chacun avec ses armes. Pour l'heure, il semble que ce soit Juppé qui tienne la corde: «Je ne vais pas commencer à jouer un rôle. Je vais poursuivre la campagne que j'ai entamée il y a deux ans, une campagne qui me ressemble.» A droite, donc, tout est dit. Quant à la «gauche socialiste», l'avenir est loin d'être rose...