L'insuline, cette hormone dont dépend la vie de plus de 400 millions de personnes dans le monde, dont 4 millions d'Algériens. Comment est fabriqué ce petit flacon qui permet aux diabétiques d'avoir une vie normale? Comment sera l'insuline du futur? Et surtout le rôle majeur qu'aura l'Algérie dans ce genre d'industrie limitée à une dizaine de pays dans le monde. Appréciez- plutôt... On a presque tous un diabétique dans la famille, le nom Novo Nordisk est forcément très évocateur. C'est donc avec une grande excitation que nous débarquons en ce début du mois de septembre à Copenhague, capitale du Danemark, mais aussi capitale des fameux Légo et surtout de... l'insuline. Cette dernière est d'ailleurs l'objet de notre voyage, prévu pour participer à des conférences sur le diabète, interviewer les responsables de ce géant mondial, dont le P-DG, et surtout visiter l'usine où 50% de l'insuline commercialisée dans le monde est fabriquée! Un véritable rêve qui commence au niveau du «Novo Nordisk Headquarters in Bagsavaerd». C'est le quartier général de l'entreprise, et là quand on dit quartier ce n'est pas un euphémisme. C'est même une petite ville que l'on découvre complètement dédiée à cette entreprise, chaque pâté de maisons est un département, ce qui montre déjà la grandeur de cette multinationale. Les bâtiments n'ont rien de géant, mais on remarque que pratiquement aucune voiture ne circule dans ce QG, où pourtant des milliers d'employés y travaillent. Au lieu des voitures, on aperçoit des vélos «garés» fièrement aux abords de chaque département. Des bicyclettes du même genre sont en fait visibles aux quatre coins de la ville. Pour la première fois de notre vie, on assiste à des embouteillages de vélos! Dès la première conférence, on comprend d'où vient cette philosophie du vélo et le rôle de ce géant pharmaceutique dans son expansion. Comme l'explique très bien Mads Krogsgaard Thomsen, le numéro deux de cette entreprise, «Novo Nordisk n'est pas comme les autres mastodontes du médicament.» C'est un laboratoire qui a mis la responsabilité sociétale de l'entreprise dans ses priorités avant même que ce terme ne devienne à la mode. La meilleure preuve est son programme «changing diabetes» qui vise à améliorer la vie des diabétiques et stopper la progression de cette maladie dans le monde, qui est, faut-il le rappeler leur gagne-pain. C'est ainsi que Novo Nordisk incite les populations à faire plus d'efforts physiques et diminuer leur consommation de boissons gazeuses. «Ce sont les deux principaux facteurs qui provoquent le diabète», précise le vice-président de Novo Nordisk, Mads Krogsgaard Thomsen. C'est dans ce sens que les Danois ont adopté l' «esprit Novo» en ne circulant pratiquement qu'en vélo, en supprimant de leur alimentation les sodas et les remplaçant par les fruits. Il faut dire qu'à chaque coin de rue, café ou restaurant, on vous propose diverses sortes de fruits découpés et prêts à être consommés. Ce nouveau modèle de vie a permis d'enregistrer une diminution significative du nombre de diabétiques au Danemark et des amputations du pied des personnes déjà atteintes par le diabète. Le vélo et les fruits En règle générale, ces efforts consentis par cette entreprise contribuent à améliorer la vie des diabétiques et empêcher que d'autres personnes ne soient atteintes. Néanmoins, ce combat n'est pas mené qu'au Danemark. Novo Nordisk a mis en place des équipes d'anthropologues et psychologues qui traversent le monde à la rencontre des diabétiques pour voir les contraintes qu'ils rencontrent dans leurs traitements afin de créer des innovations qui y mettent fin. Cette entreprise citoyenne travaille aussi en étroite collaboration avec les gouvernements des pays pauvres pour offrir au plus grand nombre possible de diabétiques l'accès aux soins, et ce dans les contrées les plus reculées du monde. On cite l'exemple concret de la clinique mobile Changing Diabetes® qui propose au grand public (personnes âgées de plus de 35 ans) un dépistage gratuit et permet aux personnes ayant un diabète de bénéficier d'examens de santé gratuits visant à dépister les principales complications associées au diabète (rétiniennes, rénales, neurologiques et cardio-vasculaires). L'Algérie a bénéficé de l'une de ces cliniques et les résultats se font déjà ressentir. C'est cet état d'esprit résolument tourné vers le bien-être des patients qui lui a permis d'occuper la place de leader qui est la sienne actuellement. Dans les années 1980, plutôt que de passer son temps à tenter, uniquement, d'influencer les médecins, Novo Nordisk s'est intéressée aux patients. Etonnamment, une initiative peu fréquente dans le monde de la pharma. En écoutant les patients, la compagnie danoise s'est rendue compte que le conditionnement de l'insuline dans des ampoules gênait fortement les utilisateurs. Les ampoules les obligeaient à utiliser des seringues et à doser eux-mêmes le produit en fonction de leur besoin. Cet inconvénient obligeait certains patients à rester chez eux. En 1985, Novo Nordisk eut donc l'idée d'inventer un nouveau système de conditionnement: le Novo Pen. Cet applicateur en forme de stylo contient une cartouche d'insuline, renfermant suffisamment de produit pour une semaine. Un mécanisme qui a changé la vie de millions de personnes. «On compte dans nos rangs plus de 7000 chercheurs à travers le monde qui travaillent tous les jours pour améliorer la vie des diabétiques», précise fièrement Mads. Le rêve désormais possible La prochaine innovation sera l'insuline en comprimé. Tant attendu par les diabétiques du monde entier. Les Danois promettent qu'ils apparaîtront dans les pharmacies en 2020. Le rêve des patients atteints de diabète sucré de prendre l'insuline en comprimés restait jusqu'à présent irréalisé. Les scientifiques du monde entier ont travaillé sur ce problème, mais personne n'a été en mesure d'effectuer une percée dans ce domaine, jusqu'à ce que Novo Nordisk passe par là! C'est une suite logique puisque c'est elle qui a découvert le traitement du diabète en 1922, qui n'a pas changé depuis. Et c'est elle qui a révolutionné la manière d'administrer l'insuline... Cette découverte est une bonne nouvelle pour l'Algérie tant sur le point de vue sanitaire qu'économique. Car, c'est une preuve de la solidité de l'entreprise qui va conserver sa place de leader au moins durant les 50 prochaines années. Elle est en train d'investir dans d'importants projets en Algérie avec l'usine de Oued Aïssi (Tizi-Ouzou) qui est déjà fonctionnelle et est en pleine extension. Cette usine est l'unique unité de production de forme sèche d'antidiabétiques oraux du groupe Novo Nordisk dans le monde. Il y a aussi le projet de l'usine de fabrication de l'insuline dans la wilaya de Constantine, en association avec le laboratoire public Saidal. Mais aussi, le projet de réalisation d'une usine d'assemblage et de conditionnement de stylos d'insuline. Il s'agit d'une ligne d'assemblage de stylos totalement intégrée dans laquelle sera réalisé le maximum d'opérations dans l'industrialisation du produit et qui sera alimentée en cartouches à partir de l'usine de Constantine. Ces deux usines sont du très lourd investissement. «Il y a six grandes usines Novo Nordisk dans le monde, la 7 ème sera à Alger», a tenu à mettre en évidence Emil Kongshøj Larsen, EKLCorporate vice-président Business Strategy Region International Operations AG. Emil, comme la majorité des responsables mondiaux de ce laboratoire, n'a pas cessé de mettre en évidence l'importance de l'Algérie dans la stratégie globale du groupe, et ce devant des journalistes venus d'une dizaine de pays à travers le monde. Emil a refusé de donner de dates précises quant à l'ouverture de l'usine de Constantine en justifiant cela par la complexité du projet. C'est ici que l'insuline est fabriquée «Ce sont des produits très sensibles. Leur fabrication nécessite des conditions très strictes. Tout doit être précis à 100%, qualité, hygiène et sécurité. Ça prend des années pour monter une usine pareille d'où le petit retard enregistré», a-t-il expliqué, balayant de la sorte toutes les rumeurs qui laissaient entendre l'existence d'un conflit avec les autorités algériennes. Il faut dire que les déclarations d'Emil on a pu les vérifier de visu dès le lendemain en visitant le site de production d'insuline de Kalundborg, qui ressemblera en grande partie à celui de l'usine de Constantine, même s'il ne sera pas de la même taille. Cette usine est un concentré de technologies de pointe, avec une hygiène des plus irréprochables. Les règles de sécurité, de contrôle et de qualité sont drastiques. La propreté des lieux, le parfait alignement des machines, la netteté du sol frappent immédiatement. Pratiquement tout est automatisé. La robotique est là pour réduire le risque d'erreurs humaines. Des milliers d' employés travaillent ici, à la maintenance, à la logistique, au planning, etc. Mais en raison des horaires tournants, de l'étendue des lieux et de l'automatisation quasi totale de la production, rares sont les personnes que l'on croisera durant notre visite. L'utilisation des systèmes électroniques de pointe est toutefois bien scruté par les quelques ingénieurs que l'on a pu apercevoir. Ils ne quittent pas des yeux les écrans de contrôle. On se croirait à la Nasa, avec des appareils uniques dans le monde qui ont nécessité des années de recherches. Et encore, ce n'est que la face visible de l'iceberg, celle que l'on montre au grand public. Qualité irréprochable, technologie, ingéniosité et humanisme sont donc le cocktail magique de ce géant mondial. Du très très lourd que l'on aura bientôt la chance d'avoir chez nous... Lars Rebien Sorensen, le P-DG de Novo Nordisk à L'Expression «LAlgérie est notre marché le plus important en Méditerranée» Avec une simplicité des plus déconcertantes, le P-DG monde de Novo Nordisk, Lars Rebien Sorensen, nous a accueillis pour répondre rapidement à nos questions qui concernent l'Algérie. D'emblée, comme il l'a d'ailleurs fait à plusieurs reprises, dans son intervention plus tôt dans la séance plénière, il met en évidence l'importance de l'Algérie pour son entreprise. «L'Algérie est le marché le plus important pour nous en Méditerranée», a-t-il assuré. «Cela est dû à la politique du gouvernement qui améliore constamment l'accès aux soins. Ce qui nous a d'ailleurs encouragé à y établir une production locale, et ce depuis des années déjà», a-t-il fièrement souligné avant de mettre en évidence l'expérience algérienne. «Beaucoup de pays ont pris exemple sur l'Algérie en matière de développement de production locale à l'instar de l'Iran», a-t-il soutenu. Il assure dans ce sens que toutes les conditions pour un bon investissement sont réunies. «Nous comptons y investir davantage», atteste le premier responsable du numéro un mondial de l'insuline. «En Algérie la réglementation favorise les entreprises qui produisent localement. Ceci est une bonne chose. Novo Nordisk produit en Algérie depuis des années et nous comptons développer notre industrie pour faire face à la concurrence et être considérés comme une compagnie locale», insiste-t-il pour montrer les ambitions algériennes du géant danois...