Un film documentaire de 61 mn, de Mohamed Ouzine. Une belle et vaporeuse oeuvre cinématographique projetée samedi dernier dans le cadre des XIVes Rencontres ciné A la base, vous avez un réalisateur franco-algérien qui revient un jour enterrer son père chez lui dans son pays natal. Quelques années plus tard, le revoici sur la terre de ses ancêtres, tentant de renouer le dialogue avec ce qui lui reste comme famille, notamment son neveu Samir, un jeune Algérien contrebandier qui transporte du carburant à dos de mule, de son village jusqu'à la frontière marocaine. Très vite, se dévoile dans ce film la relation ambigüe du réalisateur à ce bout de territoire, c'est ce que dit à peu près le synopsis du film qui aborde également les fortes angoisses de Samir et ses aspirations à se marier un jour et fonder un foyer et peut-être trouver une raison d'être à son existence terne et monotone dans ce no man's land. Filmé comme un voyage initiatique, Samir dans la poussière nous projette dans le quotidien amer de Samir qui est rythmé par les différentes humeurs étranges et changeantes de la nature, parfois froide, parfois conciliante, mais qui laisse transparaître souvent comme des ombres cachées d'un hypothétique salut intérieur avec lequel le réalisateur va tenter de sonder, tout en faisant éprouver le spectateur grâce à une caméra fixe et ses magnifiques plans superbement photographiques contrebalancés par les mots secs et mélancoliques du narrateur. Dans Samir dans la poussière nous allons retrouver quelques fulgurances atemporelles qui font le génie cinématographique de Terrence Malick qui parvient à étirer le temps à sa guise, tout en farfouillant dans notre inconscient pour tirer de nous une sorte de sève de vérité qui met le doigt sur une réalité accrue et directe de cet homme qui, serein de l'extérieur en apparence, n'en souffre pas moins de l'intérieur, mais garde au fond de lui une colère des plus spirituelles. Tout ceci est filmé avec une grâce et une rare virtuosité esthétique. Une sorte d'entre-deux tempêtes, au milieu desquelles le réalisateur va s'évertuer à se placer pour raconter et saisir la vacuité de l'être, son mal-être, son entêtement muet qui, souvent met la personne en état d'inertie totale, qui n'est que le reflet au fond d'un marécage bouillonnant, dont seule une sensibilité à fleur de peau parvient à pénétrer. C'est ce que tentera de faire le réalisateur qui, en renouant avec ses racines, donnera à voir en écho ses doutes et fragilités qui, en croisant celles de son neveu, vont se parler sans trop se répondre, mais sans doute, car ils se comprennent beaucoup plus qu'on ne le pense. C'est dans ce carré de plan figé que va se nicher cette tendresse pour l'Autre, sa terre, pour Samir, sa mère qui peigne ses cheveux et puis ce trou de serrure, où l'on pourra entrevoir la chère et tendre amoureuse de Samir. Un film bouleversant d'humanisme, d'autant plus qu'il ne crie jamais, mais dessine les contours d'une rage intérieure sublime et incroyablement divine... Un film témoin, pour le réalisateur qui avouera l'avoir fait «par besoin». Pourquoi en dire plus quand l'image en elle-même vous livre tout ce que le regard peut cacher ou chercher? Reste le ressenti, lui qui ne trompe jamais. Et c'est sans doute cela que le réalisateur est parti rechercher là-bas, chez lui, cette autre partie de lui-même qui lui ressemble, car faite de sa chair et son sang, c'est cette sincérité que ce film nous donne à voir, à émouvoir, presque comme une confession intime, livrée à soi-même... L'on ne peut dire que merci à ce réalisateur qui nous aura touchés jusqu'aux tréfonds de notre être, au-delà de l'émerveillement jusqu'aux larmes. Un plan qui soupire et c'est toute notre montagne intérieure qui se retrouve arrachée. Un arrachement salutaire pour mieux planter après. Une mémoire, un imaginaire et une identité.