Jeudi soir, trois orchestres de Tlemcen, Ettarab El Açyl, Aslam et Gharnata ont présenté un véritable récital des meilleures oeuvres de Dali. L'Association musicale Attarab El Açyl a concocté un programme très riche pour honorer, à titre posthume, le regretté cheikh Abdelkrim Dali qui quitta Tlemcen en 1936 pour s'établir définitivement à Alger où il brilla de mille feux et ce grâce à l'aide morale et matérielle de feu Boudali Safir, Bachtarzi et les Fakhardji qui l'adoptèrent très vite trouvant en ce musicien «racé» une véritable encyclopédie musicale car jouant tous les instruments, de la derbouka au Rbeb et surtout maniant avec dextérité le luth son instrument préféré. Si on compare «la fugue» des deux cheikhs les plus futés de la perle du Maghreb, cheikh Abdelkrim Dali fut plus chanceux que Redouane Bensari, fils de l'illustre cheikh Larbi Bensari qui, malgré ce qu'il apporta à l'école marocaine de musique andalouse, mena une vie difficile à Dar El Beïda et mourut loin des siens sans avoir foulé le sol de sa patrie, même après l'indépendance. L'enfant prodige de Tlemcen, qui a reçu une formation solide chez Abdeslam Bensari et surtout de Omar Bekhci, vola ensuite de ses propres ailes en s'imposant comme chanteur et chef d'orchestre incontesté, entouré par des instrumentistes chevronnés tels que cheikh Benkabil, qui était la cheville ouvrière du grand orchestre de cheikh Larbi Bensari. Les quelques enregistrements anciens des années 1930 (sur les 78 tours) nous révèlent un talent dans l'exécution des qaçidate hawzies, du medh et la maîtrise parfaite de toutes les noubas andalouses. Sa première notoriété maghrébine a été acquise avec l'enregistrement en 1947 d'El Kaoul, une qaçida du melhoune marocain composée avec brio sur le style du hawzi tlemcénien avec un istikhbar et un inkhlass pour ne pas lasser l'auditeur. Sa connaissance parfaite du répertoire hawzi de Tlemcen, aroubi (poésies bédouines de l'Oranie dont Benguenoun, Mostefa Benbraham) lui permit de naviguer d'un genre à un autre avec dextérité et grande maîtrise grâce à son luth qu'il maniait magiquement. Mercredi, à l'Office du tourisme, la projection vidéo d'un documentaire (Entv) permit un débat autour de la vie artistique du cheikh avec les témoignages des cheikhs qui l'ont côtoyé comme Malti, Brixi Mustapha. Jeudi soir, trois orchestres de Tlemcen, Ettarab El Açyl, Aslam et Gharnata ont présenté un véritable récital des meilleures oeuvres de Dali surtout dans le hawzi où des chanteurs chevronnés comme Taleb Abdelhamid, Benhamidat et Belkhodja ont démontré que l'école de Tlemcen continue inlassablement, malgré le manque de moyens techniques et surtout financiers, à lutter pour préserver ce qui reste de ce patrimoine national et maghrébin. Cette soirée retransmise en direct par Radio Tlemcen et animée par la sympathique Rabéa, a permis aux familles de Tlemcen d'apprécier le travail en profondeur fait par les cheikhs Cherif Baghdadli, Sekkal-Hamdi et surtout l'inspecteur d'éducation musicale Bekkaï Abdelkader, président de l'association Attarab El Açyl qui a déjà organisé avec succès des soirées en hommage à cheikha Tetma et cheikh Larbi Bensari. L'hôtel Zianide, à défaut d'un véritable conservatoire, a abrité cette année plusieurs manifestations culturelles. Est-ce un réveil culturel dans la ville des Zianides?