Sans avouer leur soutien au gouvernement et le rejet de la démarche des syndicats, les patrons estiment que «l'abandon de la retraite anticipée» est ce que l'on peut appeler un «mal nécessaire». La suppression de la retraite sans conditions d'âge fait des remous dans la société. Après que le gouvernement et ses soutiens l'ont défendue en affirmant qu'il n'est plus possible de continuer sur la même lancée, la réaction des syndicats autonomes qui ont rejeté catégoriquement ce projet en optant pour la mobilisation de leurs troupes sur le terrain, les partis se sont exprimés, mais ont eu une réaction mitigée qui va du soutien inconditionnel au rejet systématique. L'argument des partisans de ce projet est le suivant: «Nous avons décidé de réformer le système des retraites parce que celui mis en place depuis 1997 n'est plus adapté au contexte actuel. Et par cette réforme, nous ne voulons ni plus ni moins que reprendre le système d'avant 1997, et ce, dans le souci d'assurer l'équilibre de la Caisse nationale des retraites. Dans cet ancien système que nous allons reprendre, le ratio des cotisations était de loin meilleur; il y avait au moins sept employés qui cotisaient pour une seule pension versée, avec l'actuel système, cette pension est assurée par à peine trois cotisants. Donc, notre choix est juste.» Il est notamment l'argument du Premier ministre et de Ouyahia. Qu'en est-il des patrons qui, au même titre que le gouvernement qui a la responsabilité de gérer les finances du pays et les travailleurs qui en sont directement concernés, se trouvent au coeur du dossier. «La retraite est avant tout une question de solidarité nationale. Elle est l'expression la plus accomplie de la solidarité intergénérationnelle. Aujourd'hui, l'Algérie vit une crise financière acerbe qui la met sous un stress difficile à gérer, encore plus à dépasser. Et dans ces conditions, le gouvernement n'a aucune autre solution pour pérenniser notre système de solidarité nationale et sauver la Caisse nationale des retraites en dehors de la suppression de la retraite anticipée sans condition d'âge. De plus, il faut rappeler que le recours à cette option au milieu des années 1990 était en vérité un licenciement déguisé qui touchait d'abord aux intérêts des travailleurs. Réformer le système des retraites, c'est avant tout revenir au système qui a précédé la mise en place de celui actuellement en vigueur et pérenniser la solidarité nationale», a analysé Boualem Merakeche, président de la CAP. Saïda Neghza, présidente de la Cgea, a, elle, indiqué que la suppression de la retraite sans condition d'âge est une solution qui peut être positive dans la conjoncture actuelle». «Compte tenu de la conjoncture économique actuelle, et du stress budgétaire qu'elle a induit, il est normal que le gouvernement essaie de sauver la Caisse nationale des retraites. Il s'agit d'une conjoncture spéciale qui appelle une réaction spéciale. Ceci dit, si jamais la situation financière du pays venait à se rééquilibrer dans le cadre d'une réforme structurelle profonde de tout le système économique, un retour à ce régime peut-être possible», a-t-elle déclaré en insistant sur le fait que «l'effort de redressement du pays, surtout dans les conjonctures difficiles, doit être partagé par tous les Algériens». De plus, a-t-elle ajouté, «même dans le cas où le gouvernement arrive à faire passer le projet de réforme du système des retraites en arrivant à un accord avec les syndicats autonomes qui la rejettent, j'estime qu'il faut établir une liste de certains métiers difficiles auxquels cette nouvelle loi ne devrait absolument pas s'appliquer». Du côté du FCE, le langage est moins nuancé. «La question de la suppression de la retraite anticipée est très simple. Dans la situation actuelle, les capacités financières de l'Etat ne permettent pas de prendre en charge le déficit criant qu'enregistre la CNR, d'une part. D'autre part, une grande partie du salariat n'est pas déclaré. De ce fait, pour élargir son assiette de cotisation, le gouvernement n'a pas d'autre solution que de supprimer la retraite anticipée sans condition d'âge. Ceci sans dire qu'il s'agit là d'un retour à l'universalité en matière de gestion des retraites», nous a déclaré un responsable du FCE. Mais pas seulement. Car, selon notre source, le FCE considère que la réforme du système des retraites ne répond pas uniquement à l'impératif du rééquilibrage financier de la CNR, mais aussi à celui du retour sur investissement. «La collectivité nationale a droit à un retour sur investissement. L'Algérie dépense des milliards pour former les gens et dès que ces derniers atteignent un niveau de rentabilité appréciable, ils partent à la retraite. Le retour sur investissement doit être de mise», nous a-t-on dit. Concernant le régime des retraites qui diffère selon les catégories le FCE estime que «l'effort de redressement de la situation économique et financière du pays, notamment la CNR, doit être supporté par tous les Algériens, particulièrement les plus aisés».