La décision prise dimanche dernier lors de la 19ème tripartite de ramener l'âge de départ à la retraite à 60 ans et, surtout, la fin de la retraite proportionnelle et sous conditions pour celle anticipée continue de provoquer colère et interrogations au sein des syndicats du secteur de l'éducation nationale. C'est une mesure, qui est actuellement au centre d'un large débat au sein des syndicats de l'ensemble des secteurs d'activités, mais «pour nous, c'est une décision inacceptable», a déclaré au Quotidien d'Oran Messaoud Boudiba, porte-parole du Conseil national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (CNAPESTE). «Il faut d'abord savoir que l'enseignant a une énorme charge de travail dans l'année, avec une moyenne de 44 heures par semaine. Pour chaque heure de cours, il faut compter une demi-heure de préparation», explique-t-il, avant de relever que «en général, les enseignants travaillent beaucoup, avec un volume horaire important, il faut des règles pour cela». En plus, «les enseignants travaillent sous pression, avec une énorme charge de travail, sans matériel pédagogique adéquat», ajoute-t-il, avant d'avertir que «la retraite proportionnelle est pour nous une ligne rouge». M. Boudiba affirme ainsi que «nous sommes contre ces mesures qui touchent la retraite proportionnelle et anticipée», avant de faire remarquer que «la tripartite ne nous représente pas, et on ne la reconnaît pas». Il poursuit : «Ils ont créé ces mesures pour faire face à une crise économique et pour pouvoir licencier les travailleurs. Or, il faut des conditions économiques viables pour appliquer ces mesures, dont la création d'emplois. Mais il y a en retour l'échec de politique de l'emploi». En plus, ajoute le porte-parole du Cnapeste, «nous refusons cette mesure, car les maladies professionnelles des enseignants croissent sous la pression et les charges de travail». Il affirme, en outre, que «tous les syndicats sont contre cette mesure, évidemment». «Nous revendiquons le départ en retraite après 25 ans de service. C'est une ligne rouge pour nous», ajoute-t-il. Dimanche 2 juin, à la fin de la réunion de la tripartite, qui réunissait pour la 19ème fois le gouvernement avec ses partenaires sociaux, le syndicat UGTA et le patronat (FCE et autres organisations patronales), le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait annoncé la fin de la retraite proportionnelle et anticipée. Il avait affirmé qu'il a été convenu entre les partenaires de la tripartite de fixer l'âge de départ à la retraite à 60 ans, ainsi qu'un nouveau projet de loi modifiant l'ordonnance 97-13 instituant le départ à la retraite sans condition d'âge. «Une commission sera mise sur pied pour élaborer ce projet de loi qui fixe l'âge de départ à la retraite à 60 ans par souci d'équité et de préservation des capacités de la Caisse nationale des retraites», a-t-il ajouté. Lundi 3 juin, le directeur général de la sécurité sociale au ministère du Travail et des Affaires sociales Djaouad Bourkaib affirmait que la Caisse nationale de retraite (CNR) est en difficultés financières graves et qu'elle assure ses prestations grâce à une aide des autres caisses, la Cnas et la Casnos, et traîne un déficit financier très lourd. Au lendemain de la tripartite, les syndicats se sont rebiffés, rejetant cette mesure du gouvernement. L'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation (UNPEF) a mis en garde dans un communiqué le gouvernement contre une telle décision sans consulter les syndicats autonomes, rappelant qu'il reste attaché à la retraite proportionnelle et anticipée, conformément au décret présidentiel 97-13 du 31 mai 2013, complété par la loi 12/83. «A l'heure où on attendait une amélioration des conditions socioprofessionnelles des travailleurs de la fonction publique, le gouvernement nous surprend avec une décision prise en concertation avec l'UGTA qui ne représente nullement les travailleurs», estime l'Unpef dans son communiqué, qui rappelle que les cotisations à la sécurité sociale des travailleurs de l'éducation nationale profitent à tous les autres secteurs. Pour elle, cette révision annoncée du système de retraite est «une mascarade». D'autres syndicats d'enseignants sont dans la même disposition, le refus de la décision de la tripartite de supprimer la retraite proportionnelle et anticipée. Meziane Meriane, coordinateur national du Snapest, estime dans des déclarations à la presse qu' «il est inacceptable que l'on remette en cause les acquis sociaux des travailleurs algériens. Cette disposition quant au départ à la retraite indépendamment de l'âge est justifiée par la réalité du terrain». D'autres syndicats d'enseignants contestent la décision estimant que le métier d'enseignant est stressant et «usant». Par contre, le Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) a une autre approche. «Au vu de la situation de crise que vit le pays, c'est une mesure logique et salutaire, qui permettra d'atténuer les déficits de la CNR. Mais l'effet de la décision ne pourra être que temporaire, si cela n'est pas accompagné de la mise en place d'une réelle économie productive», estime le docteur Lyes Merabet, président de ce syndicat.