La Révolution algérienne fut portée par tout un peuple sans exclusif Nous sommes à la veille du premier novembre et on peut parier que le rituel bien rodé et atemporel sera servi à une société algérienne indifférente. Pourtant, cette épopée devrait de mon point de vue - au vu de l'immense tâche accomplie par nos aînés- être réactualisée chaque année et le moins que l'on puisse faire est d'établir un bilan de nos réalisations dans tous les domaines, notamment le savoir, l'élévation du niveau de vie, bref la quête d'objectifs toujours ambitieux. Or, que constatons-nous? des autorités qui sacrifient à la levée des couleurs à minuit, et par la même des actions qui excluent d'emblée les jeunes. Le Premier Novembre fut vraiment une aventure humaine portée par tout un peuple et pas par quelques clans regroupés sous le vocable de famille révolutionnaire dont on peut douter de sa valeur ajoutée quand des enfants de moudjahidine s'organisent alors qu'ils sont pour la plupart cinquantenaires, pères et grands-pères, mais toujours de grands enfants-, une organisation pourquoi faire et quel est son apport? Quel est l'apport d'un ministère dont le budget est équivalent à celui de l'enseignement supérieur et plus de cinq fois celui de la formation professionnelle. Il n'est pas question ici de nier les droits des descendants de chahids, mais leurs enfants sont des citoyens comme les autres, l'Etat a le devoir d'en faire des hommes en les formant, mais ils doivent à un moment ou un autre montrer ce qu'ils apportent eux-mêmes comparés à l'immense apport des chahids de la révolution. Quand des icônes comme Petit Omar (11 ans) Hassiba Ben Bouali (19 ans), Ali la Pointe (24 ans) meurent les armes à la main et refusent de se rendre, c'est pour nous un message, nous ne devons pas nous rendre à la fatalité, nous devons nous battre pour un autre premier novembre sans cesse renouvelé. Nous avons plusieurs fois échappé à des tsunamis exogènes est-ce de la baraka? Est ce modestement notre génie et que dans les épreuves existentielles le peuple sait se dresser contre l'aventure comme celle qui a emporté les pays arabes dans une tourmente sans fin baptisée par l'Occident seul détenteur du sens - printemps arabes- Mais la chance, la baraka ou le génie du peuple ne doivent pas être sollicités tout le temps, il faut à un moment ou un autre les remplacer par la rigueur, le travail. Ce que furent les printemps arabes Il vient que le Premier novembre de cette année se déroule dans un environnement de plus en plus crisique. Les nuages s'accumulent sur les pays vulnérables car les ressources planétaires sont insuffisantes, les changements climatiques sont là avec le cortège de malheurs, famines et sécheresses De ce fait, l'hégémonie des grands n'a jamais été aussi évidente et les petits pays ont du mouron à se faire. Dans cet ordre il m'a été donné d'assister justement à la présentation du professeur Ahmed Bensaâda de son dernier ouvrage «Arabesque» à l'Ecole supérieure de journalisme. Ce fut un exposé magistral sur ce que furent les printemps arabes. Le professeur Bensaâda en horloger minutieux a déconstruit la mécanique horlogère de ce plan diabolique de l'Empire et de ses vassaux européens (Angleterre, France) et à un degré moindre l'Allemagne et l'Italie, qui consiste avec toujours le même objectif, celui de l'accaparement des ressources planétaires principalement énergétiques, adossé à un néolibéralisme sans état d'âme et à une mondialisation -laminoir des plus faibles. Parler des indignés, des tentatives de nuire debout Après avoir essayé la démocratie aéroportée en Irak et en Afghanistan l'Empire a compris qu'il fallait susciter des révolutions endogènes C'est une autre tactique qui consiste à miner le Monde arabe de l'intérieur. Il faut dire qu'ils ont la partie facile tant les gouvernants qui cultivent le culte de la personnalité, voire du sauveur «El Mahdi» ont tout fait pour installer leur peuple dans les temps morts, chacun utilisant une légitimité soit révolutionnaire, soit religieuse, soit divine...L'essentiel est de garder le pouvoir, même au prix du désespoir de chacun (harraga, kamikaze...). Selon une étude de la Rand Corporation de 2005, on apprend que l'Amérique essaie de subdiviser l'Oumma musulmane en divers camps. Elle donne la recette à adopter ou adapter selon qu'elle a affaire aux fondamentalistes, aux traditionalistes, aux modernistes et, carrément aux séculiers. (1) (2) Les printemps arabes ont «surpris» tout le monde d'après la doxa occidentale Tout a commencé avec Sidi Bouzid en Tunisie. Une nouvelle page de l'histoire dit-on, est en train de s'écrire dans le Monde arabe. Hypocritement on parle d'un événement imprévisible. C'est en tout cas la thèse occidentale de Gilles Kepel et de tant d'autres, que le «printemps arabe a surpris tout le monde». C'est aussi celle de Jean Daniel qui au passage encense le triste BHL: «Il était inévitable, avec la progression des ondes de choc venues de Tunis et du Caire, que l'émergence du Printemps arabe suscite des polémiques et des affrontements. Nous n'avions qu'à applaudir, qu'à nous solidariser et à décider de faire l'impossible pour que personne ne confisque aux peuples qui s'étaient libérés, leur révolution. C'est alors que s'est posé le problème du devoir d'assistance et du droit d'ingérence. A la réflexion, et tout compte fait, j'ai décidé de préférer le comportement ostentatoire d'un BHL à l'indifférence dédaigneuse et frileuse de ses rivaux. BHL d'autre part, à force de vouloir être Malraux, va peut-être finir un jour par lui ressembler.» Le même Malraux que nous avons connu plus inspiré dans la «La condition humaine» ou le «Le petit prince» fut pris à partie en Amérique latine quand il est allé «vendre» en tant que ministre de De Gaulle la position de ce dernier concernant la guerre d'Algérie en 1960, il trouva en face de lui l'abbé Berenguer ambassadeur du Gpra en Amérique latine qui a déconstruit minutieusement son discours et restitué la vérité, à savoir que le peuple algérien se battait pour son indépendance et sa dignité. Cela prouve au passage que la Révolution algérienne fut portée par tout un peuple sans exclusif, pas seulement des maquisards, mais aussi des moussebels, des médecins, l'équipe de football du FLN, la troupe théâtrale et aussi, nous ne devons pas l'oublier, par beaucoup d'Européens français de souche, mais en Algérie, à l'instar des Yveton, Chaulet, Timsit, Maillot, Leban et tant d'autres sans compter les européens à l'image de Jeanson, Sartre, et les hommes d'Eglise, notamment monseigneur Duval et le père Davezies et tant d'autres. Ce clin d'oeil étant fait à la glorieuse Révolution de Novembre; il n'y avait pas de surprise concernant ces révolutions arabes qui ont suivi les révolutions colorées. Nous sommes d'accord avec le professeur Bensaâda quand il prouve par une étude fine - il faut savoir qu'il y a plus de six cents références dans son ouvrage - que tout a été minutieusement préparé. Cela nous rappelle la boutade de Franklin Delano Roosevelt quand il déclarait: «Quand un évènement vous paraît advenir par hasard, vous pourrez être sûr qu'il a été minutieusement préparé.» Le soubassement de ces révoltes n'a pas les fondements classiques imputables à un hypothétique choc des civilisations. Le ras-le-bol arabe n'a pas commencé en décembre 2010, mais en octobre 1988 en Algérie. Le tribut fut très lourd. La jeunesse algérienne a été la première, triste privilège, à mourir pour s'être battue pour la démocratie, la liberté. Sauf que ça n'intéressait personne. L'Algérie a payé le prix de la démocratie avec une décennie rouge et dit-on, 200.000 morts, 10.000 disparus et 30 milliards de dollars de dégâts, sans compter les traumatismes que nous allons encore traîner pendant longtemps. Il a fallu attendre l'après-11 septembre 2001 pour que la voix de l'Algérie soit audible concernant le terrorisme, mais nous ne sommes pas pour autant vaccinés, nous sommes visés. Comme par hasard, les monarchies arabes dociles aux Etats-Unis et à Israël ont survécu à la «tempête du printemps arabe». Le démontage de la mécanique des révoltes Nous aurions voulu que l'on démonte la mécanique de ces révoltes pour y voir une manipulation de grande ampleur et la «spontanéité» des révoltes est un paramètre qui a été mis en équation pour susciter le chaos pour le plus grand bien de l'Empire et de ses vassaux. Tout le monde se souvient des bloggeurs qui ont catalysé les révoltes en Egypte, en Syrie... On attribue à Machiavel la sentence suivante: «Le meilleur moyen de contrer une révolution c'est de la faire soi-même». Ceci s'applique croyons-nous comme un gant, à ce qui se déroule sous nos yeux. En un mot tout est programmé pour se dérouler ainsi. Il suffit de lire, mais le veut-on? L'ouvrage de Gene Sharp qui décrit par le menu comment faire une révolution non violente et la réussir... Nous y trouverons tous les symptômes constatés dans les révoltes légitimes tunisienne, égyptienne et libyenne, qui ont été prises en charge par l'Empire Ahmed Bensaâda nous présente l'ouvrage de Gene Sharp: «De la dictature à la démocratie», livre de chevet depuis près de deux décennies de tous les activistes du monde non occidental rêvant de renverser des régimes jugés autocratiques. Dans cet ouvrage, Gene Sharp décrit les 198 méthodes d'actions non violentes susceptibles d'être utilisées dans les conflits en vue de renverser les régimes en place. Parmi elles, notons la fraternisation avec les forces de l'ordre, les défilés, les funérailles massives en signe de protestation, les messages électroniques de masse, les supports audiovisuels, les actes de prière et les cérémonies religieuses, l'implication dans le nettoyage des places publiques et des endroits qui ont été la scène de manifestations, l'utilisation de slogans forts (comme le «Dégage» ou «Irhal»), des logos (comme le poing fermé), des posters avec les photographies des personnes décédées lors des manifestations et une certaine maîtrise de l'organisation logistique: «Cette brillante application des théories de Gene Sharp fut suivie par d'autres succès retentissants: Géorgie (2003), Ukraine (2004) et Kirghizistan (2005). Voici ce que dit, en 2010, Pierre Piccinin, professeur d'histoire et de sciences politiques: «Les révolutions colorées ont toutes mis en oeuvre la même recette: un groupuscule organisateur est financé par l'étranger et soutenu logistiquement (ordinateurs, abonnements à Internet, téléphones portables...). Formé par des professionnels de la révolution, sous le couvert d'ONG censées promouvoir la démocratie, telle la célèbre Freedom House, il arbore une couleur et un slogan simple. Le but: se débarrasser d'un gouvernement hostile et le remplacer par des leaders amis.» (3) Le rapport Lugano de Susan George L'ouvrage du professeur Bensaâda est édifiant car il permet d'ouvrir les yeux sur la réalité du monde et comme il l'a affirmé lors de la conférence, ces révolutions simulées de l'extérieur n'ont pu se développer que parce que le terreau était favorable, celui de la mal-vie, de la hogra des passe-droits des mounafeks dirions-nous, des tricheurs, bref de tous ceux qui n'ont aucune valeur ajoutée, mais une grande capacité de nuisance basée notamment sur la «acabbya. Cependant, je pense que ces révolutions ont eu un précédent, à savoir une politique d'effritement identitaire mise en oeuvre par l'Empire, il s'agit du Rapport Lugano. L'Empire et ses vassaux sont encore pour un temps les maîtres du monde.