Youcef Dris est l'auteur du fameux roman Les amants de Padovani qui a suscité une polémique après la parution de Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra. La ressemblance frappante dans les trames des deux romans a poussé certains observateurs à parler de plagiat. Youcef Dris était présent avant-hier au stand des Editions El Ibriz et la veille à celui d'Alpha-Editions afin de dédicacer ses livres dont le dernier roman qui vient tout juste de paraître: Le puits confisqué. L'Expression: Vous venez de publier un nouveau roman, pouvez-vous nous en parler? Youcef Dris: Mon nouvel ouvrage, présent au Sila, est intitulé Le puits confisqué. Un roman inspiré d'une histoire vraie. Un drame qui s'est déroulé dans les années trente, lorsque les forces coloniales avaient confisqué le seul puits d'un village à El Oued, pour assoiffer toute la population. Une famille de bergers s'est révoltée contre ce déni de justice, et a bravé l'interdit en allant puiser de l'eau dans ce puits. Conséquence de leur geste, cette famille a subi les pires représailles. Les hommes ont été exécutés sous les yeux de leurs parents, leurs femmes et leurs enfants, et le reste de cette communauté a été banni, et a quitté la région affrontant le désert, sans presque rien. Vous venez aussi d'éditer un livre sur l'Histoire, de quoi s'agit-il au juste? Il s'agit d'un essai sur l'Histoire publié par la même maison d'édition El Ibriz, intitulé «Le combat des justes». C'est un hommage que j'ai tenu à rendre aux femmes et aux hommes (Européens en général et Français d'Algérie et d'outre-mer) qui ont aidé la cause algérienne lors du combat libérateur. Pour ces nombreux combattants, il s'agissait d'une cause juste. A l'aide de phrases simples, mais lourdes d'émotion, j'ai retracé ainsi l'itinéraire de ces centaines de femmes et d'hommes qui ont bravé de nombreux dangers et lutté dans les rangs du FLN pour l'indépendance de l'Algérie. La question que je me suis posée est: «Comment un intellectuel français qui ne connaissait a priori rien de l'Algérie en vient-il à se faire le frère de nos frères, alors que d'autres Français d'Algérie ont, par leur silence et leurs dérobades, cautionné l'oppression coloniale? Pour le comprendre, il fallait retracer l'itinéraire de ces hommes» et revenir sur la cause juste de ces militants étrangers de l'ombre. Pouvez-vous nous en citer quelques noms? On trouve dans cet essai les portraits de plusieurs personnages-clés, entre autres, Francis Jeanson, Roberto Muniz, Henry Alleg, Chaulet, Yveton, Blanche Moine Masson, Georges Acampora, dont certains avaient quitté l'Algérie après l'indépendance après avoir rempli leur mission pendant que d'autres avaient choisi d'y rester, à l'image du couple Chaulet ou encore de Georges Acampora, Ce dernier avait opté pour la nationalité algérienne, et occupa de hautes fonctions au sein de la Protection civile où il termina sa carrière avec le grade de lieutenant-colonel avant de prendre sa retraite à la fin des années 1980 à Bab El-Oued. Pouvez-vous nous survoler pour un petit peu l'ensemble de vos oeuvres? J'ai écrit un roman intitulé Les Amants de Padovani, paru aux éditions Dalimen en 2004, un recueil de nouvelles: Affaires criminelles. Histoires Vraies 2006 (Enag), plusieurs contes pour enfants 2006, 2007, Biographie de Guerouabi 2008, Gravelures (recueil de poèmes, 2009, Destin à l'encre noire, roman aux éditions Dalimen 2012, Les Massacres d'octobre 1961 (essai historique, 2009), et d'autres essais d'Histoire. A quoi est due cette diversité de genres dans votre oeuvre? En réalité, je ne m'enferme pas dans un style particulier d'écriture. Je suis en quelque sorte un «touche-à-tout», j'ai «taquiné la muse», puis je me suis attaqué au roman, à l'essai sur l'histoire contemporaine, aux contes pour enfants et même à la biographie de personnages connus ou d'artistes! Cela est dû sans doute aux années passées dans la presse. Le journalisme n'étant pas un métier singulier, mais pluriel, la plupart des journalistes touchent à plusieurs fonctions. L'info, les nouvelles, les éditos les chroniques, le théâtre, le sport et même l'art culinaire. C'est Emile Zola qui disait que le journalisme est un exercice d'assouplissement qui prépare à la grande compétition qu'est l'écriture de livres. Qu'en est-il de la poésie? Pour l'écrivain, la première des tentations est la poésie. Très peu y échappent. Qui n'a pas rêvé un jour d'être poète? Mon premier ouvrage a été un recueil de poèmes publié en 1993. Vous participez chaque année au Sila. Pouvons-nous avoir votre avis sur ce grand événement culturel? Je pense que les organisateurs ont fait l'effort de regrouper cette année un plus grand nombre d'éditeurs étrangers par rapport aux autres salons, alors que le nombre de stands algériens n'ont presque pas augmenté. Certains éditeurs ont tenté de marquer leur rentrée littéraire par de nouveaux titres, que les lecteurs ont eu le plaisir de découvrir, alors que d'autres maisons d'éditions se sont présentées avec des ouvrages déjà vus dans les éditions précédentes. Le public, nombreux cette année encore, et particulièrement les jeunes, a pu profiter des rencontres avec leurs auteurs préférés pour des séances de dédicaces, et des conférences-débats en relation avec l'Histoire de la guerre de libération, avec le mouvement nationaliste, la culture en général, mais aussi avec l'amazighité et les nouvelles créations littéraires dans cette langue.