Depuis le 30 décembre, à minuit, une trêve des armes - à moins qu'elle n'ait été rompue au moment où vous lisez ces lignes - a été imposée aux belligérants en Syrie. Nous ne disons pas «belligérants syriens» car il est difficile de dire qui se bat en Syrie et qui se cache sous les uniformes des divers sigles jihadistes, à l'exclusion des forces armées régulières syriennes. Selon les informations en provenance de l'ancien pays du Cham des combats sporadiques opposeraient encore, des éléments des forces syriennes à des jihadistes dans la région de Damas. Ce qui veut dire que le cessez-le-feu parrainé par la Russie et la Turquie est déjà bien branlant et peut à tout moment être remis en question. Ce qui ne serait guère étonnant. Et pour cause! En effet, cette trêve laborieusement obtenue a été négociée par les soutiens respectifs du régime syrien et de la rébellion, la Russie et la Turquie. En fait, Damas et ladite «opposition» (si celle-ci existe [encore] effectivement) ont été mises devant le fait accompli, les parrains de la trêve sétant entendus sur tout à la place des acteurs qui mettent depuis près de six ans la Syrie à feu et à sang. Ce qu'il faut relever est que des anomalies sont apparues: qui est concerné par le cessez-le-feu, qui ne l'est pas? Les dires des uns et des autres montrent une certaine confusion sur l'identité des fractions parties au cessez-le-feu. Le gouvernement syrien avait assuré, dès l'annonce de la trêve par Moscou et Ankara, que Daesh et les groupes jihadistes n'étaient pas concernés par la cessation des hostilités. Ankara affirmait pour sa part que seul l'autoproclamé «Etat islamique» (EI/Daesh) était exclu du processus engagé. Pour sa part, Moscou indiquait que Daesh et Fateh al-Cham (ex-Jabhat al-Nosra, branche syrienne d'Al Qaîda) étaient écartés du cessez-le-feu. Dès lors, la question se pose: «qui est qui» et «qui fait quoi?» D'autant plus que depuis 2013, ladite «opposition» ou rebelles dits «modérés» appuyés par l'Occident, notamment la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, s'est diluée dans les groupes jihadistes [soutenus par la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite] et n'a pas cette «autonomie» qui était, peu ou prou, la sienne, au début des événements. En fait, ce que l'on appelle communément la «rébellion» se réduit désormais aux groupes islamistes rassemblés dans ce que l'on appelle l'«Armée de la Conquête» où l'on retrouve singulièrement Ahrar al-Cham et Fateh al-Cham (ex-al-Nosra). En fait, l'imbrication entre les groupes islamistes (malgré leur dispersion) est telle qu'il est difficile de savoir qui est qui. Ainsi, ces groupes islamistes avaient annoncé, mardi dernier, le gel de leur participation aux préparatifs des négociations d'Astana, prévues le 23 janvier prochain. Parmi les signataires du communiqué nous relevons les noms des groupes rebelles islamistes Jaich al-islam et Faylaq al-Rahmane, Sultan Mourad (appuyé par la Turquie) et Jaich al-Ezza. Outre ces groupes et fractions, il y a également les Kurdes [des FDS (Forces démocratiques syriennes regroupant des combattants arabes et kurdes) et les YPG (unités de protection du peuple, milices kurdes, bras armé du PYD, Parti de l'union démocratique] combattus par la Turquie, ignorés par l'annonce du cessez-le-feu, mais qui ont fait savoir qu'ils respecteraient la trêve. Aussi, les choses sont loin d'être décantées quant aux parties concernées par la trêve, situation encore embrouillée par les déclarations qui ont suivi l'annonce du cessez-le-feu. Dès lors qui croire, alors que le conflit syrien qui a déjà fait plus de 300.000 morts entre dans sa sixième année? Au regard des accrochages armés plus ou moins graves, qui persistent en Syrie, la trêve, déjà fragile, serait mort-née, à l'instar de toutes les tentatives précédentes de trouver au conflit une issue. Tentatives qui ont toutes échoué. Dans cette embrouillamini, seuls les parrains de la conflagration en Syrie, reconnaîtront les leurs.