Les partis islamistes qui ont éclaté en plusieurs morceaux lors des législatives de 2012 essaient de se reconstituer à la veille des législatives de 2017. Les législatives qui arrivent font paniquer les islamistes qui s'emploient mordicus à se réorganiser. En effet, après le retour de Ennahda dans le giron de la matrice islamiste djaz'ariste qu'incarne Abdallah Djaballah et qui porte le nom de Front de la justice et du développement (FJD), c'est au Front du changement, qu'a créé en 2012 Abdelmadjid Menasra, de se jeter dans les bras du parti dont il est sorti: le MSP. Selon Zineddine Tebbal, chargé de communication de ce parti, «le MSP et le FC, qui mènent des discussions sur une éventuelle alliance depuis des mois, ont décidé de fusionner dans un seul mouvement qui portera le nom de MSP. Cette décision se concrétisera lors d'un congrès qui se tiendra incessamment.» C'est donc officiel. Pourtant, la virulence des propos tenus par les uns à l'égard des autres, la consistance des éléments de désaccord entre Abderrezak Makri et Abdelmadjid Menasra qui portent essentiellement sur la position à adopter vis-à-vis du pouvoir sont tels qu'«aucun rapprochement ne semblait possible entre les deux leaders. Toutefois, après son échec aux élections législatives de 2012 avec l'obtention de seulement cinq sièges à l'Assemblée populaire nationale, Abdelmadjid Menasra a revu sa copie et ses ambitions à la baisse. «Il existe une volonté de rapprochement entre le MSP et le FC et nous travaillerons de sorte à y arriver. Mais nous avons quelques difficultés liées à notre passé commun. Il y a des conflits qui ne peuvent s'estomper qu'avec le temps. Ceci dit, sur le plan stratégique, nous n'avons pas de divergences. C'est sur des questions précises que nous avons quelques différences de points de vue. Il est possible de les surmonter et d'aller vers un seul parti», nous a déclaré en 2015, dans un interview à L'Expression, le patron du FC. Depuis, les choses ont évolué et la nouvelle loi électorale qui met les partis sous pression, notamment ceux qu n'ont pas un grand ancrage dans la société, a sans nul doute poussé ces deux partis islamistes à faire mutuellement des concessions et à mettre fin à leur guéguerre, et à s'unir. Car affronter les prochaines échéances électorales en rangs dispersés, risque d'asséner un coup fatal aux héritiers de Nahnah. Certains observateurs ont relevé une possible union de tous les islamistes parce que ceux-ci ont, de toute façon, une même référence: le Coran et la tradition islamique. «Cheikh» Djaballah y a même cru en appelant à cette union sacrée. Néanmoins, les courants au sein de la famille islamiste sont si divergents qu'ils sont inconciliables. De plus, les luttes de leadership entre les disciples de Mahfoud Nahnah et de Abdellah Djaballah. En effet des deux grande familles islamistes algériennes, celle du «nahnahisme» qui est proche de la confrérie des Frères musulmans et qui est donc «internationaliste» et celle du «djaballahisme» qui est une sorte d'islamisme «djaza'ariste», ne sont éligibles à aucune alliance stratégique, encore moins idéologique. «Unir toute la famille islamiste, je pense que ce n'est ni réaliste ni possible ni logique. Ce qui est possible, c'est l'unification des écoles, celle de Mahfoud Nahnah et d'Abdallah Djaballah, ce qui est d'ailleurs souhaitable. Le reste, c'est même infécond», nous a expliqué Abdelmadjid Menasra. Ainsi donc, le retour d'Ennahda sous la botte de son fondateur, Abdallah Djaballah, et du FC dans sa matrice originelle, le MSP, consacre la reconstitution des deux courants politiques islamistes majeurs en Algérie. Pour artificielle qu'elle soit, cette reconfiguration de l'islamisme politique algérien, qui intervient à quatre mois des législatives a tout au moins la vertu de donner une image d'un courant politique responsable et conscient des enjeux qui guettent la nation. Seulement, en dépit des subtilités idéologiques qui séparent le «nahnahisme» du «djaballahisme», c'est la lutte de leadership qui va parvenir comme message à l'électorat islamiste, ce qui peut déjouer l'entreprise de cette mouvance dont l'objectif est de régner politiquement au pays ou, tout au moins, l'encercler idéologiquement. De plus, le fait que des forces centrifuges de ces deux tendances restent toujours en dehors des rangs, notamment les militants de TAJ qui compte environ 40 députés, El Islah, El Bina, Ennour, fragilise le camp islamiste qui demeure ainsi fragmenté. Par conséquent, le retour en force des islamistes sur la scène politique, même s'il donne l'air d'être imminent, reste improbable d'autant plus que, comme l'explique si bien le politologue Tewfik Hamel», la décennie noire pèse toujours sur la crédibilité des islamistes, même ceux qui n'étaient pas impliqués dans le conflit armé».