«C'est un arrêt de la Cour européenne de justice qui doit être respecté...le premier principe de l'Etat de droit est d'appliquer les décisions de justice.» Le Royaume n'est pas sorti de l'auberge. Son impuissance à se doter d'un gouvernement après la victoire, pour la seconde fois consécutive, des islamistes du PJD (Parti de la justice et du développement) aux élections législatives du mois d'octobre 2016 risque de virer en crise constitutionnelle. Une très mauvaise passe qui tombe à un moment où sa diplomatie patauge et essuie revers sur revers, notamment, sur un dossier dont il a fait une priorité: le Sahara occidental que le souverain marocain a érigé en «question sacrée». Un rêve. Un fantasme qui tourne au cauchemar. L'arrêt de la Cour de justice européenne rendu le 21 décembre 2016 a conclu que le Sahara occidental n'était pas un territoire marocain. «... Compte tenu du statut séparé et distinct garanti au territoire du Sahara occidental en vertu de la Charte des Nations unies et du principe d'autodétermination des peuples, il est exclu de considérer que l'expression «territoire du Royaume du Maroc, qui définit le champ territorial des Accords d'association et de libéralisation, englobe le Sahara occidental et, partant, que ces accords sont applicables à ce territoire», ont souligné les magistrats de la Cjue. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Les membres de la Commission des affaires étrangères (Afet) au Parlement européen ne comptent pas en rester là. Il y va de la crédibilité de leur institution, du Vieux Continent, de ses pays membres qui se sont fait les chantres de la démocratie et du respect de la légalité internationale. La décision de justice fait débat. Les réactions sont vives et tranchées. «C'est un arrêt de la Cjue qui doit être respecté. Nous sommes dans un Etat de droit et le premier principe de l'Etat de droit est d'appliquer les décisions de justice», a déclaré le président de la Commission, Elmar Brok, lors d'un échange de vues avec Nicholas Westcott, directeur exécutif Moyen-Orient et Afrique du Nord au Service européen de l'action extérieure (Seae) rapporte l'APS dans une dépêche datée d'hier. D'autres voix se sont élevées et ont plaidé pour qu'il ne reste pas lettre morte. L'importance d'engager une réflexion sur ce «que peut faire l'UE pour résoudre le conflit au Sahara occidental» a été soulignée par le député européen Afzal Khan. Les autres eurodéputés ont été appelés à «ne pas perdre de vue que le Maroc occupe illégalement le Sahara occidental» et «exploite également illégalement ses ressources naturelles» par leur collègue Giménez Barbat qui a insisté sur la nécessité d'appliquer la décision de la Cour européenne de justice. L'eurodéputé Ivo Vajgl a invité, de son côté, les élus du Parlement européen à débattre de «la meilleure manière de respecter» cette décision par l'eurodéputé Ivo Vajgl qui a souligné au passage que «le Maroc occupe illégalement le Sahara occidental» et «viole les droits de l'homme dans ces territoires». Des réactions qui ne manqueront pas de faire boule de neige au sein de l'Union africaine qui en plus d'avoir appelé à la décolonisation du Sahara occidental doit plancher sur la demande d'adhésion du Maroc en son sein. Un bien mauvais quart d'heure qui s'annonce pour le pouvoir marocain qui, de transgression en transgression de la légalité internationale, du refus de reconnaître au peuple sahraoui son droit à l'autodétermination, va droit dans le mur. L'ambassadeur d'Algérie à Bruxelles a prévenu qu'il y aurait de la «casse». «Cet arrêt constitue une défaite politique sévère pour le Maroc et ses implications juridiques et politiques sont énormes», avait souligné Amar Belani dans un entretien accordé au magazine Afrique Asie, publié le 23 décembre 2016.