Que s'est-il donc passé pour que Jean Glavany, virevoltant à souhait, esquisse ce pas en arrière, après avoir généré une «grande émotion de l'autre côté de la Méditerranée»? Le 18 janvier à l'Assemblée nationale, les députés Jean Glavany (PS) et Guy Tessier (LR) ont provoqué une vive émotion, en commentant dans un rapport l'état de santé des chefs d'Etat algérien, marocain et tunisien. Puis, quelques jours plus tard, un 25 janvier pour être précis, lors d'une réunion de la Commission des Affaires étrangères, le vieux briscard du Parti socialiste a tenu à faire un mea culpa public, au point de s'auto-démentir: non, il ne détient pas d'information précise sur «la maladie à évolution lente» de Mohammed VI, évoquée dans un rapport facile à concocter, «grâce» aux références des hôpitaux français. Une telle volte-face a son explication. Mais avant d'aborder celle-ci, commençons par rappeler très exactement les propos du rapporteur de la mission d'information sur le Maghreb: «Je voudrais dire devant la commission, aussi solennellement que possible et sans revenir sur mes propos, que je démens formellement détenir des informations médicales sur l'état de santé du roi du Maroc». Et toute honte bue: «Je ne suis pas médecin et je n'ai consulté aucun médecin» pour pouvoir en juger, ajoute-t-il, une semaine à peine après sa surprenante déclaration devant la même commission quand il affirmait à propos de Mohammed VI: «Cet homme est un roi malade. Je ne suis pas porteur de secret médical, mais tout le monde sait qu'il est atteint d'une maladie à évolution lente, qu'il est soigné à coups de cortisone...». Que s'est-il donc passé pour que Jean Glavany, virevoltant à souhait, esquisse ce pas en arrière, après avoir généré une «grande émotion de l'autre côté de la Méditerranée»? Cela a commencé par un appel téléphonique de l'avocat du souverain marocain qui lui a fait ressentir combien ses dires l'avaient «ému et déstabilisé», à l'instar «du pays tout entier». On serait bouleversé, à moins... Et Glavany penaud a donc tenu à rectifier le tir, version marocaine, conscient d'avoir abordé «un sujet tabou». Quant à son compère, Guy Tessier, qui a le coeur bien à droite et un électorat à dominante pied-noir et harkie, il ne peut penser que du bien de l'Algérie. Aussi, peu importe à leurs yeux que les propos aient chagriné tout autant Alger et Tunis. Là, il s'agit du Maroc, où les intérêts de la France, à gauche ou à droite, sont profondément ancrés. La présidente de la Commission des Affaires étrangères, Elisabeth Guigou, qui fait aussi partie de la vieille garde mitterrandienne, le sait bien tant ses attaches sont solides en terre marocaine et non dans une Algérie qui, apparemment, depuis la regrettée disparition en 2005 de mon ami Mourad Oussedik, n'a plus d'avocat pour monter au créneau... A quelques exceptions près, les dirigeants socialistes, notamment ceux qui ont connu l'antichambre trotskiste durant la guerre de Libération nationale, ont toujours nourri une certaine rancoeur à l'égard du FLN puis de l'Algérie souveraine. Mais là n'est pas mon propos. La question qui mérite d'être posée, quand Jean Glavany s'effarouche devant un état de santé des dirigeants maghrébins, sans que personne ne lui ait rien demandé par ailleurs, est la suivante: le président François Mitterrand était élu depuis six mois, en 1981, quand Claude Gubler, médecin personnel du chef d'Etat socialiste, a appris, après une série d'analyses à l'hôpital du Val-de-Grâce, un 7 novembre 1981, le cancer de la prostate qui devait l'emporter beaucoup plus tard. Le secret absolu avait alors été décrété, qui dura plus de sept ans. Le Dr Gubler racontera, après la mort de Mitterrand, dans «Le grand secret» (Plon), comment le général Thomas, patron de l'hôpital, «avait fait mettre le dossier, enfermé dans un coffre-fort, sous le nom d'Albert Blot», patronyme de sa belle-famille,. Ce fut le temps de la maladie la plus occulte de la Vème République, avec l'affaire, tout aussi fracassante, de Mazarine Pingeot, intempestivement révélée par Jean-Edern Hallier. Gubler, dont le livre fut interdit deux jours après la sortie, fut traduit en justice, condamné à la prison ferme, déchu de sa Légion d'honneur et jeté en pâture à la vindicte. N'est-ce pas là de belles leçons de démocratie? Pourquoi ressasser tout cela, direz-vous? Simplement pour rappeler qu'en ce temps-là, le chef de cabinet du président Mitterrand, durant tout son premier septennat, était un certain...Jean Glavany. Que ne lui est-il venu, alors, ce magnifique souci de la vérité, qui aurait été méritoire, s'il n'y avait pas les relents fétides d'une pensée néo-colonialiste indécrottable! Quand on entend Manuel Valls déverser son fiel sur le Collectif contre l'islamophobie, au motif qu'il agite le thème «mensonger», selon lui, de la stigmatisation des musulmans, alors que, pour disqualifier des candidats à la présidentielle, à droite comme à gauche, on les affuble des prénoms (insupportables?) Ali, Farid et, pour finir, Bilal, on constate qu'il y a vraiment quelque chose de pourri dans le royaume de Navarre...