Au prix d'une terrifiante boucherie qui a coûté la vie à près de 200 personnes, Ksar El-Boukhari se relève péniblement aujourd'hui. Ici, un témoignage exceptionnel qui arrache la cagoule au «Qui tue qui?». Ksar El-Boukhari, année 1992. Un groupe composé d'une soixantaine de terroristes, conduit par Sayah Attia, prend position sur les hauteurs des quartiers Vieux-Ksar et Zaouia. A l'issue du premier attentat commis au ramadhan de ladite année, Khemissi, un policier proche de la retraite, est mitraillé avec son fils à la cité Zobra. La stratégie de la terreur est en marche. Derrière le rideau, une loge de commanditaires et les seconds couteaux, tous originaires de la cité d'El-Boukhari. Le sang de Khemissi n'a pas encore séché que M'hamed Harkat dit «Scotto» sera fauché à Sorec Sud. Abdelhamid, un jeune imam aimé de tous, a été kidnappé avant d'être tué à coups de manivelle dans la forêt de Mongorno. Sur une liste alignant 300 condamnés à mort, près de 200 personnes (entre civils et militaires) tomberont dans une ville gisant déjà dans un océan de déliquescence. La destruction d'entreprises publiques (Emac, Ecotex, Naftal, Menuiserie) précipitera des familles entières dans la dèche et la prostitution. Au coeur de la nuit des longs couteaux, une cellule de résistants lève les fusils de l'honneur. Parmi eux, Hannachi Maâmeri, un miraculé qui témoigne de l'horreur... L'Expression : En 1995, le premier noyau de Patriotes surgit au milieu d'un environnement extrêmement dangereux, miné par les complicités et la suspicion... H. Maâmeri : Les assassinats, enlèvements, viols, destructions ont armé nos bras. Une poignée de personnes ont fait le serment d'en découdre sans songer, le moins du monde, au prix à payer. Natifs de Ksar El-Boukhari, les terroristes avaient une parfaite connaissance du terrain. De plus, leurs réseaux d'informateurs étaient terriblement efficaces. A titre d'exemple, un jeune du Service national, venu clandestinement pour voir ses parents, a été exécuté la nuit même par son propre frère, un terroriste notoirement connu. En 1993, alors que le GIA n'existait pas encore, des civils furent assassinés. Quel est votre point de vue là-dessus? Après l'élimination de Sayah (en 1993, ndlr), quatre groupes autonomes sont entrés en action. Celui du fils de Sayah regroupant cinq éléments, de Aïssaoui dit «Keegan» composé de neuf éléments, de Cheffar opérant sur l'axe Boghar-Ouled Antar avec onze individus et enfin celui dirigé par Roukla comprenant treize criminels activant entre Moudjbeur et M'fateha. Un autre groupe s'est constitué à part pour se démarquer des précédents : celui de l'AIS. De quoi l'AIS s'est-elle démarquée? Des assassinats. La lutte meurtrière entre elle et le GIA en est la conséquence. En vous résumant, l'éclatement du MIA après l'élimination de Sayah a donc donné naissance aux GIA et AIS? C'est exact. Parlez-nous un peu de cette équipée sauvage du GIA à Ksar El-Boukhari... C'est à partir d'une liste noire que les sentences ont commencé à pleuvoir. Civils, policiers, darkis et militaires tombaient sous les balles assassines en plein jour et au coeur même de la ville. A la veille de son exécution, le condamné à mort est destinataire d'un emballage funeste comprenant un morceau de linceul et du savon. La contrée sera réglée sur l'omerta. Au début, les attentats étaient sélectifs avant que les populations se retrouvent face à face avec les massacres collectifs. C'est le cas, entre autres, des fractions de Aïn Baroud et Zouahi où près de cinquante-cinq personnes seront exterminées en une seule nuit par la horde du GIA en signe de représailles contre des populations rurales obligées d'approvisionner l'AIS. Le drame se jouait à visage découvert. Lors des tentatives d'enlèvement de Mohamed Titri (un notable, ndlr) et de la fille de Tedjini, l'identité du groupe était là: celui de Djeriba et ses sbires. Même chose pour «Keegan» venu à la tête de trente terroristes pour assassiner l'imam Boualem à la mosquée El-Qods. Mais Miloud Bezaz, militant de Hamas, n'échappera pas au groupe du Vieux-Ksar. Les terroristes du GIA signeront leurs crimes d'une cruauté inouïe. Une pauvre couturière et deux autres femmes seront aspergées d'essence et brûlées vives à l'intérieur de leur maison. Là aussi, les auteurs de ce crime contre l'humanité sont originaires du quartier populaire de la Zaouia. La liste est très longue et se mesure au nombre de tombes de Benalia. L'identité des tueurs est formellement établie. Que signifie alors pour vous ce «Qui tue qui?»? Pure calomnie! les 60.000 habitants de Ksar El-Boukhari et les populations rurales sont une pièce à conviction irréfutable. Et les gens qui ont pris les armes aux côtés des services de sécurité ont défendu des vies humaines et préservé les équipements collectifs durement acquis. Votre avis sur la concorde civile? La situation sécuritaire s'améliore. C'est une oeuvre de longue haleine. Encore faudrait-il que le programme de relance économique trouve rapidement sa concrétisation au niveau de toutes les communes du pays. La reconstruction de la paix commence par l'emploi, le logement. Le mot de la fin... La ligne éditoriale honore votre journal . Je veux nommer, avec toute mon amitié, l'équipe rédactionnelle et son directeur. Vous avez un large lectorat et un grand avenir.