La réunion extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères qui devait se tenir hier, à Doha en marge de la réunion de l'OCI, a été reportée sine die ! Encore une fois, les Arabes étalent au grand jour, outre leur impuissance, leur désunion devant les grandes questions qui interpellent le monde arabe. Est-ce, en vérité, une surprise? Sans doute pas, dans la mesure où le mutisme arabe, pendant les sanglantes représailles israéliennes - qui se poursuivaient encore hier - contre la population palestinienne et le harcèlement de l'Autorité autonome palestinienne, indique surtout l'embarras où se trouvaient des dirigeants arabes partagés entre leur désir de soutenir (?) les Palestiniens et celui de ménager les Etats-Unis. Aussi, faut-il en vérité s'étonner qu'aujourd'hui des affaires qui touchent au premier chef le monde arabe se décident ou se résolvent en dehors des Arabes, et souvent contre eux? Pourtant, cela n'est point une fatalité, mais lorsque les gouvernants arabes privilégient leurs intérêts particuliers, même si cela se fait au détriment de la cause de tout un peuple à l'intérêt général de la nation arabe, le résultat ne peut être que cette (énième) cacophonie qui donne une piètre image d'un monde arabe incapable d'être à la hauteur des événements. Du coup, c'est encore le crédit des Etats arabes, impuissants à parler d'une seule voix, qui est remis en cause. La situation désastreuse de la population palestinienne appelait de la part des Etats arabes des prises de positions fermes et de décisions tout aussi opportunes. Rien de cela n'eut lieu. Bien au contraire, au moment où le peuple palestinien essaie de se protéger du crime contre l'humanité commis contre lui par l'armée israélienne, les Arabes en sont encore à s'interroger sur l'opportunité de réunir leurs chefs de la diplomatie. S'il est maintenant difficile pour les Arabes de réunir leurs ministres, comment espérer voir les monarques et présidents arabes autour d'une même table? C'est cela le paradoxe arabe : les Arabes peuvent beaucoup, mais par pusillanimité, ils font peu ou rien du tout. Cela se vérifie une nouvelle fois et toujours au préjudice du peuple palestinien qui ne sait plus à quelle bouée s'accrocher. Selon des diplomates arabes (sous le couvert de l'anonymat) la réunion extraordinaire du Conseil ministériel de la Ligue arabe a été reportée «pour ménager Washington dans la recherche d'un arrêt de la violence». Or, le président américain lui-même a justifié «comme légitimes» les représailles israéliennes contre des Palestiniens désarmés, de même que, en ne dénonçant pas la destruction des symboles de l'Autorité autonome palestinienne. De son côté, arguant du fait que, selon lui, «la période était délicate et grave», M.Benaïssa ministre marocain des Affaires étrangères indique: «Nous allons à Doha (réunion du Conseil de l'OCI) pour réactiver la paix et soutenir les pays qui peuvent contribuer à la dynamique de la paix entre Israéliens et Palestiniens.» De belles métaphores pour dire l'impuissance et l'incapacité des Arabes à produire des contres-propositions qui puissent donner aux Palestiniens, au même titre que tous les autres peuples, le droit à la paix et à un Etat indépendant. Tout le reste n'est que verbiage, à la limite cynique, au moment où les Palestiniens continuent à mourir par dizaines chaque jour sous les bombes de l'aviation israélienne et les assassinats ciblés de l'armée israélienne. En fait, les Arabes, se gardant de faire pression sur qui que ce soit, alors qu'ils en ont les moyens, ne sont jamais parvenus à se décider entre la chèvre et le chou, laissant (de préférence) aux Américains dont le penchant pro-israélien n'est pas à souligner le soin d'arrêter une solution pour le Proche-Orient.