Mohammed VI reconduit Benkirane en octobre 2016 La sommation du roi Mohammed VI, en décembre 2016, de présenter au plus vite la composition du nouveau gouvernement, était une façon élégante de mettre à l'épreuve le chef du PJD et de démontrer publiquement son impuissance à gouverner. Depuis le scrutin d'octobre 2016, le Maroc guette, vaille que vaille, la constitution du «nouveau» gouvernement. En attendant que les tractations, multiples et vaines à chaque fois, aboutissent, le roi Mohammed VI dirige la politique étrangère et intérieure à sa guise. Dans une monarchie devenue constitutionnelle à la faveur du référendum du 1er juillet 2011, le Maroc devait être, pour reprendre les termes mêmes du monarque, «une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale». Il semble que les résultats des élections législatives de fin 2016 aient quelque peu faussé le jeu. Bien que reconduit le 10 octobre pour former une nouvelle équipe gouvernementale, eu égard au «succès», certes relatif, du Parti de la justice et du développement (PJD), le Premier ministre sortant Abdallah Benkirane a échoué dans ses tentatives répétées de réunir une coalition majoritaire. Ce n'était pas faute d'avoir tout tenté. Mais des instructions latentes émanant du palais ont jalonné le parcours du combattant Benkirane qui pensait suffisantes ses seules bonnes intentions. Tout d'abord, il a eu l'heur, ou le malheur, c'est selon, de s'adresser au chef du Rassemblement national des indépendants (RNI, 32 sièges), Aziz Akhanouch, troisième fortune du Maroc et ami personnel du roi Mohammed VI. Disposant d'une majorité relative de 125 sièges sur les 395 que compte la Chambre des représentants (Parlement marocain), le PJD ne peut, en effet, gouverner seul. Il lui faut donc sceller, impérativement, des alliances avec d'autres formations pour obtenir une majorité absolue, avec 198 sièges indispensables au travail serein d'un nouveau cabinet. Il n'empêche, faute de grives, Benkirane veut se contenter de merles. Auparavant, il a quand même essayé de faire reconduire l'équipe sortante, mais le refus de Mohammed VI a fermé brutalement la porte à ses illusions momentanées. Comme ont été claquées les portes du Parti authenticité et modernité, crédité de 102 sièges, fondé par l'influent Fouad Ali Al Himma, très proche lui aussi du palais, ainsi que celles de la Fédération de la gauche démocratique de Nabila Mounib (2 sièges), tous deux ancrés dans l'opposition. Le PAM devenait, de ce fait, le grand rival du PJD, avec tout ce que cela implique comme travail de sape. Tout cela a mis Abdallah Benkirane au désespoir. Quels que soient ses efforts et ses concessions, il ne parvient pas, à ce jour, à forcer le destin, toutes les formations contactées s'évertuant soit à lui opposer un «walou» presque brutal soit un «oui, à condition que...». Seuls le Parti du progrès et du socialisme, allié stoïque du PJD et celui de l'Istiqlal étaient partants pour l'aventure, sauf qu'ils n'apportent guère, avec leurs 58 sièges conjugués, la majorité requise pour imposer un cabinet. Comme un malheur n'arrive jamais seul, le chantage de Aziz Akhanouch qui exigeait l'exclusion de l'Istiqlal d'une éventuelle coalition, étrangement acceptée par Benkirane avant qu'il ne découvre qu'il a été floué, a été suivi par la sommation du roi Mohammed VI, en décembre 2016, de présenter au plus vite la composition du nouveau gouvernement. Une manière élégante de mettre à l'épreuve le chef du PJD et de démontrer publiquement son impuissance à gouverner. Prisonnier d'une impasse dont il ne sait comment se dépêtrer, Benkirane, qui plus est, a multiplié les gaffes diplomatiques, suscitant l'ire du monarque et de sa diplomatie, chasse gardée du Palais royal. Sa sortie malencontreuse sur le conflit en Syrie a fait l'effet d'une douche froide, même en Russie. Une porte de sortie, certes improbable, demeurait encore à sa portée. L'Union socialiste des forces populaires (Usfp), forte de 20 sièges, pouvait lui permettre, avec le RNI, de sortir de l'ornière. A condition qu'il se plie aux «conditions irréalisables», selon lui, posées par le chef de l'Usfp, Driss Lachgar. On en est encore loin et Abdallah Benkirane, au final, ne sait plus à quel saint se vouer. Face au «silence» calculé du roi Mohammed VI, rompu dernièrement à Dakar quand il a affirmé que «la formation du prochain gouvernement ne doit pas être une affaire d'arithmétique, où il s'agit de satisfaire les desiderata de partis politiques et de constituer une majorité numérique, comme s'il était question de partager un butin électoral», le chef du PJD se retrouve, six mois après avoir «triomphé» aux élections d'octobre 2016, dangereusement dos au mur. Jusqu'à quand?