La Turquie se montrait hier intraitable dans la crise avec les Pays-Bas en annonçant des sanctions diplomatiques contre ce pays et en accusant l'Union européenne de parti pris dans la brouille au sujet de meetings pro-Erdogan en Europe. Après avoir concentré leurs attaques sur les Pays-Bas pour avoir empêché des ministres turcs de participer à des rassemblements électoraux sur leur sol, les responsables turcs s'en sont pris aux responsables européens ayant exprimé leur solidarité avec La Haye face aux accusations de «nazisme» et de «fascisme» proférées par le président Recep Tayyip Erdogan. Ainsi, l'UE a été accusée hier par le ministère turc des Affaires étrangères d'alimenter «la xénophobie et les sentiments anti-turcs» pour avoir enjoint Ankara la veille de «s'abstenir de toute déclaration excessive». Le ministère turc a estimé dans un communiqué que la déclaration de l'UE «n'a pas de valeur», regrettant qu'elle ait été adressée à Ankara «et non pas aux pays qui portent la responsabilité de la situation actuelle en violant les conventions diplomatiques» en empêchant la participation de responsables turcs à des meeting électoraux sur leur sol. L'Allemagne, dont la chancelière Angela Merkel, a exprimé sa solidarité avec son homologue néerlandais Mark Rutte dans le bras de fer avec Ankara, a aussi essuyé lundi soir les foudres de M.Erdogan qui a repris l'accusation de «nazisme» qu'il avait pour la première fois lancée le 5 mars après l'annulation de meeting électoraux par des villes allemandes. M.Erdogan s'en est aussi pris personnellement à Mme Merkel, l'accusant de «soutenir les terroristes», l'Allemagne abritant selon lui des militants de la cause kurde et des putschistes présumés impliqué dans le coup d'Etat avorté du 15 juillet en Turquie. Mme Merkel a jugé ces propos «aberrants». «La chancelière n'a pas l'intention de participer à un concours de provocations», a déclaré son porte-parole Steffen Seibert. «Les mouvements anti-immigration, xénophobes et racistes façonnent d'une manière croissante les politiques européennes. Au lieu d'offrir une perspective différente, les hommes politiques européens succombent à ce populisme raciste et anti-islam qui sape les valeurs démocratiques», a écrit hier le porte-parole de M. Erdogan, Ibrahim Kalin, dans une tribune de presse reflétant l'état d'esprit actuel d'Ankara. La crise avec les Pays-Bas est survenue quelques jours avant les élections législatives qui y sont prévues aujourd'hui et où le parti du député islamophobe Geert Wilders est donné en deuxième place par les sondages. Après avoir agité pendant trois jours la menace de «sanctions» contre la Haye, les autorités turques sont passées à l'acte lundi soir en annonçant une série de mesures. le vice-Premier ministre turc Numan Kurtulmus a ainsi fait savoir que l'ambassadeur néerlandais à Ankara Kees Cornelis van Rij, actuellement à l'étranger, ne serait pas autorisé à revenir en Turquie. Il a aussi annoncé la suspension «des relations au plus haut niveau» et les rencontres prévues au niveau ministériel. Ces mesures resteront en place «tant que les Pays-Bas n'auront pas réparé les torts qu'ils ont commis», ajouté le responsable turc. Il a précisé que la Turquie souhaitait une enquête sur les évènements des derniers jours, dont le recours à la police montée et à des chiens pour rétablir l'ordre après une manifestation devant le consulat turc à Rotterdam (centre des Pays-Bas). En dépit de fréquentes frictions, Ankara reste un partenaire stratégique de l'UE, notamment dans la gestion de l'afflux de migrants vers l'Europe. Mais à la lumière de la crise actuelle, le ministre turc des Affaires européennes Omer Celik a évoqué lundi un «réexamen» du pacte sur la lutte contre l'immigration conclu il y a un an avec l'Europe. La diaspora turque en Europe est estimé à plus de quatre millions de personnes dont près de 2,5 ont le droit de vote dans les scrutins turcs.