En sommet demain et samedi à Baden Baden, en Allemagne, le G20 face à Trump qui veut imposer de nouvelles règles du jeu L'impact réel de l'élection de Donald Trump sur la face du monde va commencer à se voir demain et samedi à Baden Baden: le G20 réunit les grands argentiers pour relancer la gouvernance mondiale et tenter d'ancrer les Etats-Unis dans le multilatéralisme. Commerce, guerre des devises, migrations, politiques de relance... Donald Trump semble vouloir bousculer les vaches sacrées de l'économie mondialisée libérale. Jusqu'à présent, tout est resté à l'état de déclaration ou presque. Maintenant, il va falloir travailler vraiment ces sujets. «Cette réunion est sans doute l'une des plus importantes de ces dernières années», estime le Commissaire européen Pierre Moscovici. Si le ministère allemand des Finances estime pudiquement que «les politiques américaines vont tenir un rôle» dans les débats et qu'il «n'y a pas de raison d'être pessimiste sur la relation avec les Etats-Unis», une source européenne ayant requis l'anonymat se demande sans ambages: «est-ce que les Etats-Unis continuent de croire au G20?» «Ce sera la première fois que nous aurons Steven Mnuchin (le secrétaire américain au Trésor, ndlr) en format multilatéral», rappelle une autre source européenne. «Nous sommes dans une phase un peu particulière, les orientations américaines sont assez difficiles à décrypter, nous voyons un décalage entre les positions de principe du président et ce qui ressort du niveau ministériel», explique sous couvert d'anonymat une autre source proche des travaux préparatoires. «On n'y voit pas clair», résume un grand banquier européen qui suit ces dossiers de près. Mais le risque de frictions est réel et d'importance, car le G20-Finances est une cheville ouvrière essentielle avant le sommet du G20 de juillet à Hambourg. Selon la chercheuse Brittaney Warren du G20 Research Group, basé à l'université de Toronto, «aucune des 20 priorités exprimées dans le discours inaugural (de Donald Trump, ndlr) ne s'aligne totalement sur les engagements du sommet du G20 de Hangzhou» en 2016. Que contiendra le communiqué final, cette profession de foi qui oriente l'économie mondiale? Chaque mot sera scruté, et toute modification de la doctrine du G20 sera commentée et perçue comme un «effet Donald Trump». Selon un brouillon vu par Bloomberg News, il n'est plus question de «rejeter» ou «résister contre le protectionnisme» comme le G20 le souhaitait ces dernières années. Il ne s'agit pas que de mots creux. «Il est important de réitérer les engagements», a prévenu jeudi le gouverneur de la Banque centrale européenne Mario Draghi. C'est un «pilier de la stabilité qui a accompagné la croissance mondiale ces 20 dernières années». De même, «les Japonais craignent le retrait du communiqué des déclarations contre le protectionnisme (...) Cela donnerait à l'administration Trump les mains libres pour s'en prendre à ce qu'elle considèrerait du 'commerce déséquilibré''», explique Ivan Tselichtchev, professeur d'économie à l'université de gestion de Niigata (nord-ouest du Japon). Sous couvert d'anonymat, un responsable américain a dit que son pays était «attaché à un commerce ouvert et équitable, c'est-à-dire un système du commerce dans lequel nos entreprises et nos travailleurs bénéficient d'une égalité de traitement». Il n'a pas précisé si les Etats-Unis allaient demander de reformuler les termes habituels du communiqué, mais il a ajouté que la délicate question des changes devrait être abordée, alors que Washington a critiqué notamment la Chine et l'Allemagne sur ce point. La directrice du FMI Christine Lagarde a plaidé contre des «mesures qui affecteraient gravement le commerce, les migrations, les flux de capitaux et le partage de technologies». «En cette période d'incertitude politique, nous devons en profiter pour apporter des éclaircissements», selon M. Moscovici, qui souhaite notamment des engagements sur une «fiscalité juste et transparente», et «un commerce libre et équitable». Pour M. Mnuchin, ancien banquier chez Goldman Sachs, il s'agira de trouver un compromis entre ce que souhaitent ses homologues et ce que défendra Donald Trump à Hambourg en juillet. «C'est un défi, mais comme le Président Trump n'a pas vraiment de position ferme sur nombre de ces sujets, à part le commerce et défaire la loi Dodd-Frank (sur la régulation financière, ndlr), il y a une chance raisonnable de trouver un consensus», analyse John Kirton, co-directeur du G20 Research Group.