Le président américain Donald Trump a engrangé le premier grand succès législatif de son mandat jeudi au Congrès, avec l'adoption de justesse par la Chambre des représentants d'un texte de remplacement de la loi emblématique de Barack Obama sur la santé. Il efface ainsi son échec du 24 mars quand, faute de consensus au sein de la majorité et malgré de fortes pressions de sa part, les républicains avaient été forcés de retirer une première version de la loi. «Ce sera une victoire incroyable lorsque cela passera au Sénat», s'est félicité Donald Trump dans la roseraie de la Maison-Blanche, où entre 60 et 70 élus républicains l'avaient rejoint juste après le vote pour saluer cette étape «historique». «Ça a vraiment permis de rassembler tout le parti républicain», a dit le président, auquel les parlementaires rayonnants ont rendu un hommage appuyé. «Les quatre prochaines années seront formidables, et les huit prochaines aussi, mais nous allons commencer par une grande première année», a-t-il ajouté, satisfait d'avoir commencé à remplir l'une de ses principales promesses de campagne. A ses côtés, le président de la Chambre, le quadragénaire Paul Ryan, a expliqué qu'il n'avait jamais vu de président aussi impliqué. «C'est un grand jour mais seulement une étape du processus», a prévenu Paul Ryan. Le vote final, très serré, illustre l'aspect controversé du texte actuel: 217 voix contre 213. Les 193 démocrates ont voté non, et 20 républicains majoritairement modérés ont fait défection. Le débat se déplace désormais à la chambre haute du Congrès, le Sénat, où la loi devrait être profondément remaniée sur plusieurs semaines. Quelques sénateurs républicains ont d'ores et déjà annoncé leur opposition au texte dans son état actuel, principalement car il ferait perdre à des millions de gens modestes leur assurance. Dans l'Ohio, le sénateur Rob Portman s'inquiète notamment pour ceux qui sont traités pour addiction à l'héroïne ou aux opiacés, un fléau qui touche villes et campagnes aux Etats-Unis. Sur le fond, la loi reviendrait sur plusieurs acquis d'Obamacare, adoptée en 2010: les Américains ne seraient plus obligés de souscrire une assurance maladie et n'auraient plus à payer d'amende en cas de non-couverture; les financements publics de Medicaid, le programme fédéral d'assurance pour les plus modestes, seraient progressivement réduits; et la couverture minimum instaurée par Obamacare serait allégée, à la discrétion des gouverneurs des 50 Etats fédérés, au risque de faire payer davantage aux personnes ayant des antécédents médicaux, ou de ne plus couvrir certains soins comme les soins maternité ou les hospitalisations. «Ce n'est pas du football», a déploré la sénatrice démocrate Elizabeth Warren. «On n'est pas là pour marquer des points. Trumpcare va dévaster le système de santé américain. Des familles vont se retrouver ruinées. Des gens vont mourir», a-t-elle dit. Un rapport initial du bureau du budget du Congrès avait estimé que la réforme républicaine conduirait 14 millions d'Américains à ne plus être assurés dès 2018, effaçant la majeure partie des gains réalisés sous Obamacare. Si la réforme pourrait permettre aux assureurs de proposer des assurances «light» et donc moins chères, elle devrait renchérir les tarifs pour de nombreux Américains, surtout ceux proches de la retraite, car les aides fédérales baisseraient dans l'ensemble. Les Etats, faute de fonds, devraient aussi rejeter certains assurés modestes de Medicaid. Aux Etats-Unis environ la moitié des personnes sont assurées par leur employeur; elles ne seraient pas directement concernées par la réforme républicaine. La cible est le marché «individuel», des millions de travailleurs qui doivent acheter une assurance seul, sans appartenir à un groupe et qui, grâce à Obamacare, bénéficient d'aides importantes. Les républicains affirment que le marché individuel créé par Obamacare est dans une spirale infernale. De plus en plus d'assureurs se retirent de ce marché peu lucratif, où les prix augmentent inexorablement. C'est l'argument de Donald Trump: de toutes façons, Obamacare s'écroulera sous son propre poids. «C'est clair que c'est un échec, c'est mort», a-t-il dit à la Maison-Blanche. «On va l'achever».