«Faciliter la formalisation représente l'unique option politique viable pour le programme de transformation africain en vue de réaliser ses objectifs de développement», estime l'organisation onusienne. Dans sa nouvelle publication intitulée «Formalisation du commerce informel en Afrique», la FAO indique que le commerce transfrontalier informel, dont les transactions ne respectent pas la législation locale sur les taxes ainsi que d'autres règles, représente une part importante des emplois en Afrique subsaharienne (entre 20% et 70%). Cette même organisation précise que «cette activité économique, qui s'effectue loin des radars et qui n'implique pas toujours des échanges internationaux, représente près de 40% du PIB en Afrique, soit plus qu'en Amérique latine et en Asie». La place et le rôle important que joue le secteur de l'informel dans la sphère économique africaine en font un élément clé dans l'élaboration des politiques économiques à l'échelle du continent. L'Algérie, dont les activités économiques informelles représentent un peu plus de 30%, selon les statistiques officielles, n'est pas en reste. Tout au contraire, elle représente un cas particulier dans la mesure où le recours au circuit informel n'est pas le résultat d'une méconnaissance des règles en vigueur, mais un choix. En effet, en Afrique, observe la FAO, l'informel est rarement illégal: dans la plupart des cas, il est considéré comme informel car les personnes impliquées n'ont pas accès aux licences commerciales, aux techniques administratives et aux informations sur les lois liées aux taxes douanières et aux normes d'importation pour agir autrement. Or, en Algérie, c'est tout le contraire qui semble se faire. «Chez nous, l'informel est le pendant direct de la sphère formelle, qui l'alimente, soit en clientèle donc en argent, soit en produits importés ou à partir d'intrants importés. Ce sont les sphères formelles qui alimentent ce qui est dénommé informel. D'ailleurs, le gros des acteurs de la deuxième exerce dans la première qui lui sert de relais vers les fonds publics et privés, Il n'y a pas des réguliers et des fraudeurs chez nous, mais des réguliers-fraudeurs, la casquette régulière s'arrêtant généralement au port, ou à la banque pour les transactions primaires, ensuite vogue la galère» explique Ferhat Aït Ali, expert en finances et en économie, en précisant que, contrairement aux acteurs de l'informel dans les pays subsahariens, «nous sommes dans l'optique inverse car c'est la très bonne connaissance des lois par certains qui les ont eux-mêmes inspirées qui alimente l'informel». Pour les pays subsahariens, la FAO préconise des politiques proactives reconnaissant ce type d'activité, exploitant son potentiel avec pour objectif d'en faire une situation réglementée, «seraient préférables plutôt que des approches autoritaires destinées à éradiquer les entrepreneurs ou à les taxer». «Faciliter la formalisation représente l'unique option politique viable pour le programme de transformation africain en vue de réaliser ses objectifs», affirme Suffyan Koroma, économiste en chef au sein de cette organisation. Or, pour l'Algérie, le problème se pose autrement, estime Ferhat Aït Ali. «Nous ne parlons pas du même informel, ni dans le même volume que cette organisation. La FAO, son souci est de laisser la chance aux gens hors du champ reconnu, la possibilité de vivre sans avoir encore à essuyer des charges insupportables, mais dans notre cas précis c'est un autre phénomène. Chez nous, l'informel est le pur produit d'un système de répartition de marges brutes hors de la vue de l'administration, et le gros des montants importants est le fruit de la spéculation à grande échelle, de la corruption systémique et du détournement de subventions manifestement maintenues à cet usage. Dans les pays subsahariens, ces phénomènes existent, mais le gros des acteurs de l'informel est constitué de gens qui activent dans des créneaux de survie, sans aucun moyen d'aspirer à des compensations pour leur civisme fiscal éventuel», explique-t-il. Le fait que la FAO préconise la simplification des conditions de permis et du régime fiscal, le développement de partenariats entre les radios et télévisions pour organiser des débats publics avec des participants issus du secteur de l'économie informelle et l'intensification des efforts visant la formalisation du commerce informel est sans nul doute une bonne chose. Mais un telle démarche n'a presque aucune chance de donner des fruits en Algérie.