Les manifestations se multiplient depuis quelques jours à travers le Maroc Plus que tout, les autorités centrales du royaume craignent que le mouvement ne fasse tâche d'huile et que l'ensemble du Rif ne réagisse en écho aux cris de rage et de mal-être d'al Hoceima. Le porte-voix de la contestation populaire «Hirak errif» qui agite depuis le début de l'année la région marocaine du Rif, Nasser Zefzafi, a été arrêté hier par la police, selon plusieurs médias se référant à des sources gouvernementales. L'arrestation a été en outre confirmée par un responsable au ministère marocain de l'Intérieur. Le chômeur de 39 ans aura été depuis quelques semaines le moteur de la contestation populaire baptisée «Hirak errif» qui mobilise une région connue pour être frondeuse et volontiers rétive aux injonctions de l'administration du Makhzen. Un Makhzen d'ailleurs désigné du doigt comme le premier responsable de la situation socio-économique dramatique dans laquelle se trouve la population, galvanisée par la tragédie qui a vu en octobre 2016 un jeune vendeur ambulant de poisson broyé par une benne à ordures chargée de «faire le ménage». De semaine en semaine, l'agitation est allée crescendo grâce à un noyau de contestataires emmenés par Zefzafi et quelques autres activistes jusqu'à devenir, ces jours derniers, une immense vague de revendication aussi bien sociale que politique, l'exigence majeure étant la réhabilitation du Rif trop longtemps abandonné à son triste sort. C'est ainsi que dimanche dernier, plus d'un millier de protestataires ont parcouru les rues d'al Hoceima aux cris de «Etat corrompu», «Dignité» ou encore «Nous sommes tous des Zefzafi». Le branle-bas de combat des forces de sécurité qui ont lancé une vaste opération de quadrillage de la ville à la fois pour rechercher le chef de file du mouvement, Nasser Zefzafi, sous prétexte qu'il a apostrophé l'imam de la cité dont il contestait le prêche favorable aux thèses du Makhzen, et pour intimider les autres pilotes de la protesta a été impressionnant par son ampleur et par sa dimension d'urgence. Car plus que tout, les autorités centrales du royaume craignent que le mouvement ne fasse tâche d'huile et que l'ensemble du Rif ne réagisse en écho aux cris de rage et de mal-être d'al Hoceima. Une ville devenue le symbole d'une colère qui gronde de jour en jour, symbolisée par le face- à -face, au niveau du boulevard Tariq Ibn Ziad, entre plusieurs centaines de jeunes et les forces de police anti-émeutes impressionnantes par le nombre et le déploiement tous azimuts. Car elles étaient aussi présentes dans la ville voisine de Imzouren, à une vingtaine de kms de là, ainsi qu'à Nador et même Tanger, Casablanca et Marrakech. Des sources dignes de foi parlent encore de rassemblements promptement dispersés à Casablanca et dans la capitale, Rabat. Signe que le mouvement populaire est en train de grandir, malgré la mobilisation de moyens répressifs de grande ampleur. C'est que la vague qui monte et ne cesse pas chaque jour de monter est prise très au sérieux par le gouvernement marocain dès lors que des bourgades jusque-là paisibles comme Boujniba, Khouribga et Safi menacent de rejoindre la contestation motivée par le chômage endémique et l'absence criarde d'infrastructures. Il est vrai que cette donne n'est pas spécifique au Rif puisque d'autres régions du Maroc souffrent des mêmes maux socio-économiques, le chômage des jeunes ayant atteint des niveaux inégalés. En témoignent les constats affligeants d'un grand nombre d'associations des droits de l'homme qui n'ont pas cessé de donner l'alarme mais en vain. D'autres villes et d'autres régions ont déjà vécu des marches contre «la hogra» et «la marginalisation», les jeunes chômeurs n'ayant d'autre issue que de devenir des harraga ou de se livrer à des activités illégales. Abandonnés par les élus, les habitants de Tinghir, au centre-est du Maroc, avaient déjà donné de la voix en 2013 sans rien obtenir de concret et c'est pourquoi ils veulent répondre en écho aux cris des jeunes d'al Hoceima. Signe que le ras-le-bol tend à se généraliser et qu'il suffit de peu pour que la colère qui gronde ici et là ne se transforme en un terrible brasier. L'arrestation de Zefzafi qui a défié l'Etat plus de six mois durant, ainsi que d'une vingtaine de ses compagnons, ne signifie pas que la protesta est étouffée. Si «les personnes arrêtées feront l'objet d'une enquête pour atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat et d'autres actes constituant des crimes en vertu de la loi», selon le procureur d'al Hoceima, leur discours identitaire, teinté de conservatisme et de références islamiques contre «le pouvoir, la dictature, la corruption, la répression et l'Etat policier» a de quoi inquiéter le Makhzen dont la première réponse, «favorable à la culture dû dialogue» a dû, bon gré mal gré, céder place à la politique du bâton. Sans conséquences?