L'Egypte a donc cédé ses deux îlots de la mer Rouge, Sanafir et Tiran au Royaume wahhabite. Un changement de propriétaire pas innocent! Pas innocent, car ces deux îlots ne sont pas de simples cailloux au milieu de la mer Rouge. Leur rétrocession à l'Arabie saoudite constitue une surprise qui interpelle l'opinion publique arabe en cette période cruciale de tension et de guerre dans le Monde arabe. Pourquoi maintenant, alors que l'Arabie saoudite est engagée sur plusieurs fronts, menant notamment une coalition dans une guerre qui détruit le plus pauvre des pays arabes: le Yémen? C'est dans un contexte totalement inapproprié que Tiran et Sanafir changent de main. Ces deux îlots se trouvent dans une position stratégique à l'entrée du golfe d'Aqaba et en bordure du détroit de Tiran. De fait, ces deux îlots sont la porte de la mer Rouge et l'accès à l'océan indien. Qui détient ces îlots contrôle l'accès à la mer Rouge. Aussi, il est étonnant que Le Caire ait aussi aisément renoncé à un puissant moyen de pression. C'est dire son importance stratégique pour... Israël. Tiran et Sanafir sont de fait, derrière le déclenchement de la guerre des Six-Jours de juin 1967. En effet, Israël attaqua l'Egypte le 6 juin 1967 en réponse au blocus du port israélien d'Eilat (sur le golfe d'Akaba), imposé par le président égyptien, Gamal Abdel Nasser. Tiran et Sanafir ont donc, à ce titre, joué un rôle clé en 1967. Lors de cette guerre, l'Egypte a perdu, outre ces deux îlots, la péninsule du Sinaï occupés par Israël de même que le Golan syrien. Une autre guerre opposa les Arabes à Israël, en octobre 1973 [la «guerre de Ramadhan»]. C'est à la suite de cette guerre «gagnée-perdue» par les Arabes qu'une nouvelle donne apparut. En effet alors qu'ils étaient en passe d'infliger sa première défaite militaire à Israël, les Arabes ont, inexplicablement, rendu les armes. Le président égyptien, Anouar Al-Sadate expliqua plus tard cette défaite par le fait que l'Egypte n'était pas prête à faire face aux Etats-Unis, comme l'en menaçait le président états-unien, Richard Nixon. C'est dans ce contexte que furent signés les accords de Camp David en 1979, par lesquels l'Egypte récupéra le Sinaï et les îlots Tiran et Sanafir, établissant des relations diplomatiques avec l'Etat hébreu. L'une des conditions de l'accord de Camp David est que Tiran et Sanafir ne devaient plus servir de bases militaires. C'est par rapport à ces faits qu'il convient d'interpréter le sens de la rétrocession de Tiran et Sanafir à Riyadh. Cela signifie, en fait, que l'Arabie saoudite accepte les conditions posées par les accords de Camp David qui, désormais, engageront l'Arabie saoudite, vis-à-vis d'Israël. Dit autrement, Riyadh reconnaît de facto Israël. Il ne lui restera plus qu'à officialiser cette donne avec les répercussions négatives qui ne manqueront pas de surgir dans le dossier palestinien. En fait, depuis 2014 des rencontres discrètes ont eu lieu entre dirigeants saoudiens et israéliens et un accord secret aurait été conclu entre les deux parties. Ces deux pays partagent en particulier l'animosité qu'ils cultivent envers l'Iran et la présumée menace nucléaire iranienne. Notant cette étonnante convergence entre Israël et l'Arabie saoudite sur l'Iran et la Syrie, qui ont très mal pris l'accord sur le nucléaire avec l'Iran, le percevant comme un lâchage des Etats-Unis, de même qu'ils n'ont pas admis qu'Obama renonce (en 2013) à bombarder la Syrie soupçonnée d'avoir fait usage d'armes chimiques. Cette «même» vision des choses s'est traduite, selon certaines sources, par le resserrement des relations entre Riyadh et Tel-Aviv, selon quoi les «ennemis de mes ennemis, sont des amis». Il semblerait aussi qu'Israël «superviserait» et «conseillerait», à partir du «Somaliland» (au nord de la Somalie, non reconnu par la communauté internationale) la «coalition arabe» - dirigée par l'Arabie saoudite - intervenant au Yémen depuis mars 2015. C'est ce rapprochement curieux entre l'Arabie saoudite et Israël qui a permis la cession à Riyadh de Tiran et Sanafir avec à la clé la reconnaissance de facto de l'entité sioniste. Certaines sources assurent d'autre part, que le roi Abdallah aurait financé la sanglante offensive israélienne «Plomb durci» contre la bande de Ghaza [décembre 2008-janvier 2009] lors de laquelle des centaines de Palestiniens ont perdu la vie et la bande de Ghaza en partie détruite. Tiran et Sanafir cacheraient-ils d'autres collusions, levant quelque peu le voile sur les trahisons arabes, qui mènent à l'avènement de la «Pax israéliana» sur le dos de la Palestine?