Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, semble de plus en plus isolé aux plans régional et international La Turquie s'attendait à un soutien sans faille de l'Occident après le putsch manqué de juillet dernier, mais les purges qui ont suivi et les charges du président Recep Tayyip Erdogan ont au contraire rendu leurs rapports acrimonieux. La quête de M. Erdogan de renforcer considérablement ses pouvoirs lors d'un référendum remporté en avril à l'issue d'une campagne marquée par des joutes verbales d'une rare violence avec plusieurs pays européens est venue compliquer davantage la donne, laissant le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne au bord du précipice. Sur fond de rapports exécrables avec l'administration de Barack Obama, notamment en raison de son soutien aux milices kurdes syriennes, certains médias progouvernementaux turcs avaient vu une main américaine derrière le coup, mais leur enthousiasme de voir Donald Trump lui succéder à la Maison- Blanche a été vite douché quand il a prolongé la politique de son prédécesseur en Syrie. Et les appels d'Ankara à Washington de lui extrader le prédicateur auto-exilé aux Etats-Unis Fethullah Gülen - à qui le coup manqué a été imputé - sont restés aussi vains que sous la précédente administration. «La Turquie a été d'une certaine manière diplomatiquement isolée depuis le coup manqué de juillet 2016, à la fois parce que ses partenaires au sein de l'OTAN ont été pris de court et parce que les purges qui ont suivi ont dépassé de loin tout ce dont on pouvait s'attendre», estime Marc Pierini, du centre de réflexion Carnegie Europe. La posture diplomatique de la Turquie a en outre été fragilisée par la récente crise entre son proche allié, le Qatar, et ses voisins du Golfe emmenés par l'Arabie saoudite, qu'Ankara ne peut se permettre de se mettre à dos. Toujours au niveau régional, le renversement par l'armée en Egypte du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans soutenus par Ankara, et le maintien au pouvoir en Syrie de Bachar al-Assad ont contrarié la stratégie de la Turquie d'étendre son influence dans ces pays et ailleurs dans la région. «La donne a complètement changé aujourd'hui. Elle se caractérise désormais par un nombre croissant de disputes entre la Turquie et ses voisins, mais aussi au-delà», note Kemal Kirisci de l'institut Brookings. Mais le revers diplomatique le plus significatif que la Turquie a essuyé ces derniers mois a pris la forme d'une dégradation sans précédent de ses relations avec l'Union européenne, avec laquelle elle négocie son adhésion depuis 2005. Après l'interdiction par plusieurs pays européens de meeting de ses partisans en vue du référendum d'avril sur ses pouvoirs, M. Erdogan s'en était pris en effet aux dirigeants européens avec une violence inouïe en dénonçant leurs «pratiques nazies». Au plus fort de la crise, certains responsables européens s'étaient ouvertement interrogés sur l'opportunité de poursuivre le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE. «Les bases d'une alliance politique plus profonde à travers une adhésion à l'UE demeurent inchangées. Mais il revient aux dirigeants turcs à l'avenir de relancer cette ambition», estime M. Pierini. M. Erdogan espérait réaliser une percée diplomatique, notamment sur le dossier syrien, lors de sa première rencontre en mai avec M. Trump à Washington. Mais peu de progrès ont été réalisés lors de cette visite. De plus, 12 gardes du corps et policiers de M. Erdogan ont été visés par des mandats d'arrêt américains pour une agression présumée contre des manifestants kurdes en marge de cette visite. «Ankara était très optimiste au sujet de la présidence de Trump mais aucune de ses attentes ne s'est réalisée, même partiellement», affirme Ozgur Unluhisarcikli, directeur pour la Turquie du German Marshall Fund, un think tank basé à Washington. Dans ce contexte, la Turquie a opté ces derniers mois pour un rapprochement avec la Russie après une grave crise diplomatique née de la destruction en novembre 2015 par l'aviation turque d'un bombardier russe survolant la frontière syro-turque. «La politique étrangères turque est soumise à rude épreuve. Les choses vont mieux avec la Russie mais cette relation n'est pas basée sur la confiance», confie une source politique européenne.