L'Union européenne s'inquiète d'atteintes aux libertés en Turquie, et à mots couverts, des diplomates notent une radicalisation du régime islamo-conservateur du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. «Une série d'orientations récentes montre que la tendance conservatrice tient la corde, et n'a pas d'opposition », note Marc Pierini, ancien chef de la délégation de l'Union européenne à Ankara. Jeudi à Istanbul, le commissaire en charge de l'élargissement de l'UE, Stefan Füle, a appelé la Turquie, candidate à l'adhésion, à poursuivre les réformes. Et, a-t-il ajouté, «j'ai profité de cette réunion pour exprimer nos inquiétudes concernant les mises en détention croissantes de députés, universitaires et étudiants et à propos de la liberté de la presse et des journalistes. » Une centaine de journalistes sont en détention, selon les défenseurs des droits de l'Homme, de même que des dizaines de militaires accusés de complot. Jean-Maurice Ripert, qui a succédé il y a cinq mois à M. Pierini, a adressé une critique remarquée à M. Erdogan, pour ses déclarations sur l'avortement. «Certains hommes politiques ont fait des comparaisons qui ne sont pas appropriées », a-t-il reproché fin mai. «Chaque avortement est un Uludere », avait lancé le dirigeant turc, allusion à la mort en décembre de 34 villageois d'Uludere (sud-est), bombardés par erreur par l'aviation turque qui les avait pris pour des rebelles kurdes. Le gouvernement veut faire voter un projet de loi réduisant la période de grossesse pendant laquelle l'avortement est autorisé de dix à six ou quatre semaines. Des milliers de femmes ont manifesté contre ce texte, dans un pays où l'avortement est autorisé depuis 1965.