Evidemment, en histoire tout est dialectique, et l'analyse devient un art. Comment donc transmettre sans le déformer, et sans même laisser des traces subjectives, un fait dont la nature tient de l'intimité du merveilleux difficile à prouver et de la vérité dont souvent la connaissance échappe. Mais je pense que c'est dans le bonheur exclusif d'être honnête que l'on pourrait acquérir le droit d'exprimer sa conviction de démontrer une vérité partagée par seulement une partie du monde, car l'autre partie du monde la trouve étrange. Ainsi est faite et reconnue l'histoire des peuples ; ainsi est faite et reconnue l'histoire du peuple algérien. Que l'autre partie du monde, la colonialiste ou l'impérialiste trouve étrange la vérité - «l'âpre vérité» historique, celle que la conviction de tout un peuple a exprimée dans le plus lointain passé et dans le plus récent et continue d'exprimer dans le présent, par la parole et par les actes -, nul ne le conteste ni à l'un ni à l'autre... L'Algérie, qui célèbre le cinquantenaire de son bel et riche héritage de lutte de Libération nationale, a matière à réfléchir et surtout à poursuivre la production et la réalisation de ses projets actuels et à venir. Parmi ses plus grands projets, il y a celui d'instruire la jeunesse algérienne d'aujourd'hui sur le passé de son pays et sur les enjeux de tous ordres qui, par bien des aspects, déjà l'interpellent. Ce problème, ce vrai problème qui préoccupe les anciens, est largement abordé par un ouvrage dont il faut dès maintenant souligner l'intérêt de son objet et la qualité pédagogique de son discours. Il s'agit de l'ouvrage El ihtilâl el istîtânî lil Djazâir (*) de Mohammed Larbi Ould Khelifa. C'est une étude, rédigée en arabe clair et donc lisible, traite de L'occupation coloniale en Algérie. Elle se veut «approche à l'histoire sociale et culturelle» de notre pays, tout en ayant une vue prospective, autrement dit «Vers un renouveau du discours et une association des jeunes». Ici, peut-être, l'objet du livre de Ould Khelifa, homme de culture et d'éducation, apporterait-il, à juste titre, un franc soutien à une bonne éducation civique dont nos jeunes semblent avoir été dispensés... ou même sevrés. Cette étude est aussi indispensable à lire par les universitaires et leurs étudiants. Sans doute, les uns et les autres auront pour devoir, chacun sa compétence, chacun son droit, chacun sa pensée, de l'enrichir et de la développer. Le plus grand des mérites de Ould Khelifa est d'avoir abordé ce sujet, à la fois difficile et délicat, avec clairvoyance et en se référant à des documents de première main. «Une telle approche, écrit-il justement, requiert un effort d'analyse, ainsi que le réajustement [ce vocable est souligné par l'auteur] d'une longue série de concepts, de termes et de déclarations diffusés par l'entremise de nombreuses oeuvres écrites sur l'histoire sociale et culturelle de notre pays d'une manière générale et de l'autochtone plus particulièrement. Une telle démarche, fondée sur une approche multidisciplinaire, implique la combinaison d'un ensemble d'instruments et de recherches en sciences sociales, ainsi qu'une méthodologie critique, libérée des certitudes redondantes pour être en totale adéquation avec les événements et aux faits, avec un esprit critique et une ferme conviction patriotique, où l'un ne saurait éclipser l'autre.» Et de faire cette exacte mais terrible constatation: «Il nous apparaît que l'Algérie est l'un des rares pays qui importent de l'étranger les sources et références de leur passé.» Certes, ma foi, mais c'est un autre problème, un autre débat que tous nos spécialistes appellent de tous leurs voeux. Terminons en encourageant Thala éditions qui, tout doucement, gagne des sympathies, des auteurs et des lecteurs. (*)El ihtilâl el istîtânî lil Djazâir par Mohammed Larbi Ould Khelifa Thala-Editions, Alger, 2005, 249 pages.