L'ancien et le nouveau Premier ministre Tebboune fait bien plus que «sauver les apparences», il prouve qu'en Algérie on peut se «chamailler», mais au final on se plie à la loi de la République. La passation de pouvoir entre le Premier ministre sortant et son successeur s'est déroulée dans la pure tradition républicaine. Les images diffusées par la Télévision nationale ont rassuré les Algériens sur le fonctionnement des institutions du pays et surtout sur le sens des responsabilités des hauts cadres de l'Etat. Les circonstances qui ont amené le président de la République à opérer ce changement à la tête de l'Exécutif n'ont pas déteint sur la cérémonie de passation de pouvoir. On a vu un Premier ministre sortant, souriant et «bon perdant», pourrait-on dire. Abdelmadjid Tebboune, dont les choix économiques malheureux ont précipité son gouvernement trois mois à peine après son entrée en fonction, a accueilli son successeur avec la chaleur qui sied pour ce genre d'occasion. Il fallait donner aux Algériens l'image d'une République qui respecte les usages. Et Tebboune s'est appliqué à le faire. Les propos qu'il a eus, bien que protocolaires, ont tous leur sens, dans le contexte, il faut le dire, quelque peu exceptionnel et improbable, il y a de cela à peine quelques semaines. En se félicitant «officiellement» de la désignation de Ahmed Ouyahia par le président de la République au poste qu'il occupait la veille, Tebboune fait bien plus que «sauver les apparences», il prouve à ceux qui pouvaient en douter, qu'en Algérie on peut se «chamailler», mais au final on se plie à la loi de la République. Celle-ci accorde au premier magistrat la prérogative de changer de Premier ministre. Le désormais ex-Premier ministre va jusqu'à estimer que la confiance placée en Ouyahia par le président de la République «est méritée vu l'expérience de Ouyahia en matière de gouvernance dans les conjonctures les plus difficiles». Cela tout en assurant le chef de l'Etat de son «soutien indéfectible». Comprendre par là que Abdelmadjid Tebboune ne remet pas en cause les choix du président et demeure, quoi qu'il arrive, le serviteur de l'Etat. Lors de cette même cérémonie, on a vu un Ahmed Ouyahia tout aussi souriant, mais également conscient que le poste de Premier ministre n'est pas un métier. Il l'a d'ailleurs occupé tellement de fois qu'il doit savoir qu'un jour ou l'autre il sera à la place de Abdelmadjid Tebboune, comme il l'a d'ailleurs déjà été face à Ali Benflis, Abdelaziz Belkhadem et Abdelmalek Sellal. Il connaît donc «la fragilité» du poste qu'il dit occuper dans l'espoir d'être à la hauteur de la confiance que le président de la République a placée en sa personne. Le propos peut passer pour protocolaire, mais il y a lieu de souligner son importance lors justement de pareilles circonstances. En fait, les Algériens ont été témoins non pas d'une simple passation de pouvoir entre deux Premiers ministres, mais d'un épisode qui montre que les traditions républicaines s'enracinent pour le bien de l'Algérie et de son peuple.