L'éternelle jeunette, d'origine marocaine, rendra un bel hommage à Oum Kaltoum. L'infatigable, «l'éternelle» excentrique Sapho, a animé mardi dernier un concert à la salle Ibn Khaldoun à l'occasion de la célébration de la fête de la musique. Une manifestation organisée conjointement par le Centre culturel français d'Alger et les établissements Arts et culture. D'origine marocaine, Sapho présentera un spectacle nommé Orients où se mêlent des sonorités multiples. Violon arabe, nay, percussions, oud, guitare flamenca, guitare électrique et guitare synthé se mélangent et accompagnent des chansons écrites en français mais aussi en espagnol et en arabe. L'Orient se confronte à l'Occident par ce son électro-moderne que Sapho intègre volontairement dans sa musique pourtant teintée de nostalgie et de goût de soufre. Un Orient universel qui réunit toutes les nationalités. N'est-ce pas que la musique est sans frontières. Enveloppée dans une robe noire vaporeuse, Sapho, teint blanc immaculé comme sortie d'un monde souterrain, voix cristalline, accuse d'emblée son âge qui, grâce au «désir, redevient jeune»... Elle, l'éternelle enfant de bohème, une sorte de vamp sortie d'un temps moyenâgeux, un peu mi-sorcière mi-rebelle, chante l'amour et la paix. A la manière de Abdel Wahab, elle revisite le répertoire de cette époque faste avec un clin d'oeil satirique à notre temps, en transformant le tango en R'nb et rythmes n'blues. Consciente tout de même de ce qui déchire le monde aujourd'hui, l'artiste dénonce le conflit isréalo-palestinien en déclamant quelques vers (taksim), notamment ceux du grand poète palestinien, Mahmoud Darwich. Restant dans le registre de chansons engagées, Sapho interprète un morceau écrit pour Baghdad en s'adressant à tous les puissants. Sapho chante «la jalousie, le coeur des guerres», cette fois, noyée dans un voile blanc. Elle laisse tomber par la suite tout ce froufrou chatoyant pour faire apparaître une robe noire seyante et de chanter à tue-tête: «La vie va mal. On se demande où elle va comme ça.» Puis, c'est le moment solennel de la soirée où la chanteuse rend hommage à la grande diva égyptienne, Oum Kaltoum, avec un extrait des Mille et une nuits. La voix de Sapho porte très loin et sa musique nerveuse emplit la salle et les âmes. Quatre musiciens algériens viennent la rejoindre sur scène. Il s'agit de Hamid Kharf Allah au violon, Mohamed Rouane au mandole, Naâmane Ikazourène à la percussion et Silhad Nourredine au luth. Sapho dédie sa nouvelle chanson au réalisateur marocain, Tony Gatlif, et de confier en musique: «Maman, j'aime les voyous». Sapho qui incarne parfaitement la dualité passé/présent, actualise comme seule elle sait le faire, un poème d'Arthur Rimbaud qui était, à 17 ans déjà, antimilitariste. Place à la musique andalouse. Zakia Kara Terki et Nourredine Saoudi entonnent quelques istikhbars et standards de la musique andalouse avant de céder la place en définitive à Sapho et sa façon très originale de chanter notamment Koum Tara en invitant le public à danser avec elle sur scène et d'autres mélodies encore... Même si la fête était le maître mot de cette soirée du 21 juin, on ne pouvait pas ne pas marquer une halte de répit et d'amertume tant notre coeur était empli de tristesse et de mélancolie. Oui, comment pouvions-nous fêter la musique alors que nous venons de perdre, il y a tout juste quelques jours, un de nos grands artistes, Athmane Bali, le chantre de la musique tindie. Aussi, un mot s'imposait à son adresse pour rendre hommage à ce grand homme, même si sa valeur et son héritage se passent de tout commentaire... Enfin, un geste n'aurait rien coûté... Aussi, la fête manquait de cette saveur et de ce je ne sais quoi de supplément d'âme... Repose en paix, l'ami!