Mort, il a laissé à la postérité tout un florilège de chants. Matoub revient cette semaine, le chanteur ravi à l'affection des siens et de ses fans avait ce don de puiser à pleines mains dans le patrimoine et triturant, malaxant les mots, il vous les restitue encore plus beaux et plus porteurs. Matoub, avec ses mots de tous les jours, il faisait une arme de combat. Un combat pacifique mis au service d'une cause : l'amazighité. Mort, il a laissé à la postérité tout un florilège de chants. Les chants de la vie et de l'espoir gentiment mêlés aux chants de combat. Matoub est mort mais sa production artistique continue de plaider pour lui. Lounès avait la Kabylie au corps et la Kabylie l'adorait. Elle se souvient de lui en ce septième anniversaire de sa disparition et le commémore dans le souvenir et la douleur encore inextinguible. Le rossignol s'est tu et la Kabylie est triste. Elle a enterré le chanteur des jeunes et l'homme au grand coeur un certain juin 1998. Matoub Lounès mort assassiné le 25 juin 1998 sur la route menant de Tizi Ouzou à Béni Douala, victime de la folie des hommes. Les balles encore visibles sur son véhicule, exposé au siège de la Fondation Matoub, dit combien les assassins n'ont pas voulu laisser de quartier au chantre de l'amazighité. Matoub devait mourir et il est assassiné froidement, sauvagement et de façon ignoble. Son sang versé en abondance à Tala-Bounane dans les Aït-Aïssi a arrosé cette terre qu'il portait dans son coeur. L'homme était bon, tendre comme du bon pain aurait certainement dit Germaine Tillon qui parlait ainsi de Mouloud Feraoun, cet autre enfant des Béni Douala assassiné, lui aussi, par les adeptes de la haine à l'aube de l'indépendance nationale. Matoub est mort et sa mort est une véritable tragédie pour la Kabylie dont les milliers de jeunes, qui avaient durement ressenti cette perte, étaient sortis en masse à travers les rues de la région de Tizi Ouzou et Béjaïa pour signifier leur rejet de telles méthodes. Le chanteur s'est tu à jamais mais ses chansons sont encore dans les têtes et des milliers de fans les fredonnent en ayant une pieuse pensée en la mémoire du rebelle. Matoub était un homme bon mais aussi fait d'une pièce, ses sentiments il les portait en bandoulière et seuls ceux qui l'ont vraiment approché savent que l'homme souffrait en silence d'un mal profond, un mal fait à la terre et surtout à la langue des ancêtres. La vie n'a guère été tendre avec Lounès, bien au contraire. Dès les journées d'octobre 1988, le 9 octobre exactement, alors qu'il allait sur Aïn El Hammam essayer de distribuer des tracts appelant les populations de Kabylie au calme. Sur la route entre Larbaâ Nath Irathen et Aïn El Hammam, des gendarmes lui tirent à bout portant des balles de kalashnikov. Le chanteur poète eut la vie sauve mais il allait passer des mois sur un lit d'hôpital. La faux du sort ne s'arrêta pas là, presqu'au moment où il sortait de l'hôpital où il a souffert le martyre, voici qu'un de ses voisins du village, pour une histoire de terrain, lui porta des coups de couteau. Une seconde fois, Lounès devait retourner sur le billard. Guéri tant bien que mal de ces avanies, Lounès n'a pas voulu rater la marche du MCB du 25 janvier 1990 à Alger. C'est d'ailleurs lui qui remettra officiellement au président de l'Assemblée nationale le rapport du second séminaire du MCB. Dans la salle de l'Assemblée où la délégation était reçue, Matoub, théâtral, eu cette phrase en jetant sur la table le rapport: «Lisez-le si vous avez le temps!». En 1994 et le 25 septembre les terroristes du GIA, l'enlèvent dans un bar d'après ce qu'il raconte dans son livre Le Rebelle, coécrit avec la journaliste Véronique Taveau de France 2. Durant quinze jours et seize nuits que dure sa séquestration, Matoub vit un véritable cauchemar. Cependant et malgré cette peur qu'il disait sentir réellement et cette menace qui pesait sur lui le chanteur ne cessa de dire sa vérité, sa poésie et surtout de continuer son combat pour Tamazight. Le maquisard de la chanson, comme aime à traiter Kateb Yacine les chanteurs berbères, est également honoré par la Sorbonne qui lui décerna le prix de la mémoire. Un prix que lui remettra le 6 décembre 1994, Mme Danielle Mitterrand. Le chanteur et poète était triste et heureux à la fois ce jour-là. On reconnaissait son mérite mais dans son pays, ses oeuvres étaient bannies des médias officiels. Un peu moins de quatre ans plus tard, le 25 juin 1998, Matoub est tombé criblé de balles sur la route menant à son domicile à Taourirt Moussa. Sa mère, la vieille Nna Aldjia, cette maman courage ne connaît plus de repos, elle lutte aux côtés de Malika, sa fille et la soeur de Lounès, elles se battent pour demander l'arrestation et la punition des coupables. A ce jour, le procès traîne encore devant la justice. Un jour, peut-être, Dieu d'abord, car malgré tout ce qui s'était dit sur Lounès, c'était un véritable croyant à la façon des paysans de chez nous, c'est-à-dire sans ostentation et en silence, donc Dieu et les hommes ensuite rendront une certaine justice à l'âme du disparu. Alors, la Kabylie rassérénée pourra faire le deuil de son enfant prodige! Il semble que la meilleure façon de conclure est de citer un morceau de belle poésie de Lounès, offerte à Kenza, la fille de Djaout, cet écrivain journaliste, lui aussi assassiné à la fleur de l'âge.