La chanteuse Yasmina persiste et signe: la douleur donne un sens à la vie. Son nouvel album, composé de onze chansons, sorti aux éditions Dyla Music (une nouvelle boîte appartenant à la star de la chanson kabyle, Mohamed Allaoua), fait un tabac dans la région. Les fans de Yasmina se comptent par milliers et Nacer, l'un des disquaires les mieux situés dans la ville de Tizi Ouzou, confie qu'à chaque fois qu'elle édite un nouvel album, c'est la ruée sur son magasin. Dans ce nouveau produit, Yasmina a décidé courageusement, de rendre un hommage très particulier au plus grand chanteur kabyle de tous les temps: Lounès Matoub. Disparu physiquement le 25 juin 1998, Matoub hante tous les coins et les recoins de la Kabylie. Sa mort n'en est pas vraiment une puisqu'il est omniprésent dans les esprits et les coeurs. En traversant les rues, on ne peut pas ne pas entendre sa voix résonner comme s'il était toujours là, plus vivant que jamais. Onze ans après le lâche assassinat l'ayant ciblé, la Kabylie n'arrive pas à faire le deuil du Rebelle. C'est le message que tente de transmettre Yasmina à travers deux belles chansons, pleines d'émotion et de tristesse. La première est intitulée: Tajmilt i Lwenas (évocation). Dans cette chanson, Yasmina revient comme si cela datait d'hier, sur le jour de l'assassinat, l'ambiance qui avait régné en Kabylie durant ce maudit jour et durant les journées lui ayant succédé. Yasmina raconte les larmes de Tizi Ouzou, le chagrin de Béjaïa et l'affluence record vers Taourirt Moussa, un certain dimanche caniculaire où tous les hommes libres sont venus dire adieu à celui qui a emporté une grande partie de leurs rêves dans son linceul. Yasmina a su reconstituer, avec des images extrêmement poétiques et sincères, cet épisode des plus amers de l'histoire récente de l'Algérie, car la mort de Matoub signifie l'assassinat de tous les rêves et les espoirs qu'il incarnait pour la concrétisation d'une Algérie meilleure et d'une démocratie majeure, comme il le chantait dans son album «Regard sur l'histoire d'un pays damné», sorti en 1991. Mais le défi réussi par Yasmina est la reprise d'une chanson de Matoub «Ayen Ayen». Après avoir obtenu l'autorisation de la famille du Rebelle, Yasmina propose ainsi une deuxième chanson sur le maître, dans laquelle elle fait preuve d'un courage exceptionnel puisque dans ce deuxième tube, elle va jusqu'à dénoncer ceux qui tentent d'enfouir la vérité sur les auteurs et les commanditaires du crime ayant ciblé Matoub. Yasmina chante: «Si tout le monde s'unissait, la vérité finirait par éclater.» Yasmina a pu reconstituer la chanson de Matoub avec sa voix féminine et sa sincérité intégrale dans le chant. Avec cet hommage que l'on peut qualifier de téméraire, Yasmina a prouvé que les femmes peuvent souvent faire ce dont beaucoup d'hommes sont incapables. Elle a démontré que le courage n'est pas l'apanage du sexe masculin. Dans les neuf autres chansons, Yasmina continue de chanter les amours perdus, la jeunesse passée et non vécue, l'amour qui meurt et puis finit par renaître de ses cendres...Yasmina poursuit son introspection de son subconscient et retrouve les peines de ses vingt ans là où d'autres n'ont que des rêves, celles d'une femme mariée contre son gré, souvent pour une poignée de dinars. Elle se remémore, avec de beaux vers, ses enfants qu'elle a élevés dans la douleur et la solitude. Elle consacre un titre à l'hypocrisie où elle met en garde contre les masques que peut porter l'être humain quand il a un but à atteindre. Elle avertit qu'il ne faudrait pas faire confiance à celui qui te jette des fleurs lorsque tu es en face de lui car une fois le dos tourné, il ne rate aucune occasion pour te pourfendre. Les titres des chansons de l'album de Yasmina suffisent pour illustrer leur teneur: Espérances, Epouvantail, L'accident, Egarement, Retrouvailles, Fausse amitié, L'aîné, Images, Rencontre, Evocation et Le crime.